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Petit traité de « Merkiavelisme »
jeudi, 27 juin 2013 / Simon Barthélémy

Non à l’Europe allemande, d’Ulrich Beck, Autrement, 162 pages, 12 euros.

Nouveau pamphlet d’un souverainiste français (ou bien grec, britannique…) ? Que nenni. Le sociologue allemand Ulrich Beck est fédéraliste, partisan d’une Europe « post-nationale ». Dans cet essai coup de gueule, et éclairé, il estime que les « formidables conquêtes » de l’Union européenne sont menacées par cette « Europe allemande ». « Personne ne l’a voulu, mais face à la menace de l’effondrement de l’euro, la puissance économique allemande s’est positionnée peu à peu (…) comme la plus grande instance de décision en Europe », écrit-il. Et de s’interroger, lorsque le Parlement allemand, « décide du sort de la Grèce » en votant les plans d’aide à Athènes : « Dans quel pays, dans quel monde (…) vivons-nous pour qu’une telle mise sous tutelle d’une démocratie par une autre n’éveille aucun sursaut ? »

« Miracle allemand » et précarité

Selon Ulrich Beck, on estime à Berlin apprendre aux pays du Sud « la discipline budgétaire, la morale fiscale, une relation à la nature plus protectrice ». L’opinion soutient la chancelière Angela Merkel pour imposer les méthodes en vigueur depuis la réunification. Tant pis si le « miracle allemand » crée précarité et inégalités, et si le chômage augmente ailleurs. Pour la chancelière, « ce qui prime, ce n’est pas d’aider des pays endettés » mais de « gagner l’élection en Allemagne », accuse l’auteur. La favorite des législatives du 22 septembre a sa recette pour « conforter sa position dominante et celle de l’Europe allemande » : « un néolibéralisme brutal vis-à-vis de l’extérieur (intégré dans la Constitution européenne sous la forme du Pacte budgétaire), un consensus teinté de social-démocratie à l’intérieur. »

Citoyens écartés des décisions

Bonne élève de l’auteur du Prince, « Merkiavel », comme la surnomme Ulrich Beck, tergiverse dans son engagement européen pour se faire désirer. Mais est-il « absurde » d’évoquer « un IV e Reich » ?, se demande-t-il. « Le potentiel de pression dont elle dispose n’est pas issu de la logique de guerre, mais de la logique du risque et, plus précisément, de la menace d’effondrement économique. » Selon l’auteur de La Société du risque (Aubier, 2001), « nous passons notre temps à anticiper les catastrophes (nucléaires, financières…) qui pourraient avoir lieu demain ». Cela renforce les tentations technocratiques de Bruxelles, écartant les citoyens des décisions. Même l’idée franco-allemande d’un gouvernement économique de l’Euroland est, pour Ulrich Beck, à côté de la plaque : lui plaide pour un « nouveau contrat social », avec des mesures rapprochant les individus (année de volontariat civil pour tous, sécu européenne). Portées par « un mouvement européen venant d’en bas », elles aideraient l’UE à sortir de la crise par le haut. —


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