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Sueurs toxiques dans les tanneries du Bangladesh
jeudi, 27 juin 2013 / Agnès Montanari /

Juriste de formation, elle se rêvait juge pour enfants. Mais voilà une dizaine d’années, elle part, carnet de voyage en poche. Elle s’achète son premier appareil et apprend la photographie en autodidacte. Inde, Géorgie, Yémen et Jordanie : ses images racontent des histoires, des émotions. A la préparation d’un reportage, elle préfère l’immersion, aux portraits, les moments spontanés, à l’ordre, le chaos.

Dans les vapeurs nocives d’usines insalubres, les tanneurs bangladais travaillent le cuir de nos sacs et de nos chaussures. Au péril de leur vie et au mépris de l’environnement.

Le 24 avril dernier, l’effondrement d’un immeuble où travaillaient 3 000 ouvriers bangladais faisait 1 129 morts. Et jetait une lumière crue sur les « ateliers de la misère », où sont confectionnées nos fringues à bas prix. C’est également au Bangladesh qu’est transformé le cuir de nos sacs et de nos chaussures, dans des conditions tout aussi dramatiques. Dans les tanneries d’Hazaribagh, à la périphérie de la capitale, Dacca, l’odeur est pestilentielle, les émanations mortifères. « La puanteur ne me dérange plus depuis longtemps, c’est le moindre de mes soucis », explique Habibur, 28 ans.

Tic-tac de fin

En quinze ans, il a fini par s’habituer à ces tas de détritus qui font la course au sommet avec les chutes de peaux de vache et de mouton, montagnes en décomposition. Dans les hangars, des croûtes souillées de sang sèchent dans le sel, avant d’être transformées en cuir fin. 15 000 hommes, femmes et enfants s’échinent dans le plus grand quartier de tanneurs du Bangladesh. Ici, 90 % des travailleurs meurent avant 50 ans. Habibur entend déjà le tic-tac de fin résonner dans sa tête. « Je déteste ce travail mais je n’ai pas le choix. Il n’y a rien d’autre. »

Sans protections, les ouvriers plongent pieds nus dans les cuves de tannage, où les peaux de bête baignent dans un mélange d’acide sulfurique, de chrome et de plomb. Ils développent des affections respiratoires et des maladies de peau, liées à l’exposition aux agents chimiques. Mais continuent leur labeur, pour un salaire de misère, malgré accidents du travail et amputations. Chaque jour, 21 000 mètres cubes d’effluents non traités s’écoulent des tanneries dans le Buriganga, la rivière qui irrigue Dacca. Le gouvernement le sait, mais reste sourd aux revendications sociales et environnementales : l’industrie du cuir enregistre la croissance la plus forte du pays. Les acheteurs occidentaux ou chinois, eux, ferment les yeux… en se bouchant le nez. —


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