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Malongo fait (un peu) déborder son éthique
jeudi, 27 juin 2013 / Emmanuelle Vibert

Café bio et équitable, cafetière « made in France », économe, recyclable… Dans son dernier spot télé, la marque joue à l’exemplaire pur jus. Une autocélébration un peu énervante. Pas la peine d’en rajouter !

La belle voix nue de Richard Bohringer nous cueille entre deux pubs survoltées à la télé. Tiens, un spot sans musique, ça repose. Malongo y vante son action. « Chez Malongo, ce sont les petits producteurs qui font les grands cafés. Nous soutenons les coopératives aux arabicas d’excellence, biologiques et équitables. Amoureux du travail bien fait, nous torréfions nos grands crus à l’ancienne, pour révéler toute la richesse des arômes. Concernés par l’environnement et les forêts, nos cafés sont conservés dans des doses en papier naturel. » Et nous présente sa nouvelle machine à expresso baptisée Ek’oh : « Nous sommes fiers d’avoir créé et fabriqué en France notre machine expresso recyclable, économe en énergie, garantie cinq ans. Nous croyons au commerce équitable et à la fin de l’obsolescence programmée. Nous réaffirmons nos valeurs : le partage, la qualité, le goût et l’innovation. Parce que le cœur des hommes bat dans Malongo. » Quand le pionnier du commerce équitable en grande surface fait sa pub, c’est sobre et de bon goût… mais court comme un café italien.

Stratégie

Malongo naît en 1934, avec l’ouverture d’une brûlerie à Nice (Alpes-Maritimes). Aujourd’hui filiale du torréfacteur Rombouts, c’est une solide entreprise de 400 salariés et 88,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011. La marque est présente aussi bien en grande surface que dans l’hôtellerie et la restauration. Et elle est championne du commerce équitable. Jean-Pierre Blanc, son patron, soutient dès 1992 la coopérative mexicaine de l’Union des communautés indigènes de la région de l’Isthme, celle défendue par le père Francesco Van Der Hoff, fondateur de Max Havelaar. Depuis, il leur rend visite régulièrement et aime évoquer la tierra madre, terre nourricière dont il entend se soucier autant que les Indiens caféiculteurs du Chiapas. Comment ? En finançant un projet d’écotourisme pour diversifier les revenus des producteurs de la coopérative. En créant une nouvelle filière équitable également, sur l’archipel São Tomé-et-Príncipe, au large du Gabon. Ou en économisant les énergies et en limitant les emballages sur son site de production de Carros, près de Nice. Et en lançant une nouvelle machine à expresso donc, made in Alsace, conçue avec très peu de vis, des pièces clipsées et des matières plastiques identifiables. Tout pour être réparable et, en fin de vie, recyclable.

Cas d’école

Malongo a beau être le « premier intervenant français des cafés haut de gamme, du commerce équitable et de l’agriculture biologique », comme le rappelle son rapport 2011 « Responsabilité éthique d’entreprise », son café n’est pas à 100 % bio et équitable. Certes, ses achats labélisés Max Havelaar pèsent lourd – 9,8 millions d’euros en 2010 – et sont en constante augmentation. Mais ils représentaient, toujours en 2010, 43,2 % de ses volumes importés. Et la part du bio s’élevait à 23,4 % des importations de Malongo. Le reste provient « de petites plantations (Nouvelle-Calédonie, Zimbabwe, Guadeloupe, Jamaïque, Hawaï…) ou s’assimilent aux qualités haut de gamme proposées sur le marché (Colombie Excelso, Moka Sidamo, Brésil Sul del Minas…) », nous assure-t-on dans le rapport.

La machine Ek’oh ? Elle tranche bien évidemment dans le paysage des appareils électroménagers conçus pour être jetés au moindre pépin. On ne peut que saluer l’effort. Mais de là à parler d’une initiative qui met « fin à l’obsolescence programmée »… Une campagne en faveur de la bonne vieille cafetière italienne, qui dure plusieurs générations sans consommer une avalanche d’emballages individuels, aurait été plus appropriée. Quant aux « doses en papier naturel », on ne voudrait pas faire du mauvais esprit, mais en fait, c’est quoi du « papier artificiel » ?

Verdict

C’est vrai, on chipote. Des dosettes compostables, en papier issu de forêts gérées durablement en Suède, une machine réparable et du café équitable à plus de 40 % : la démarche est largement plus intéressante que celle de la concurrence supportée par George Clooney. Mais justement, de la part d’une entreprise aussi engagée que Malongo, on aurait apprécié un degré de franchise de plus dans la pub. —

Avis de l’expert : 2,5/5

Yonnel Poivre-Le Lohé, spécialiste du conseil en communication responsable de l’agence MIK Partners

« Ce film, c’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Côté plein, l’absence de musique, le discours sensé et promouvant les principes du commerce équitable sont à signaler. Côté vide, seule une minorité des produits Malongo est bio ou équitable – promesse légèrement mensongère. Et que dire de la présentation trop emphatique de ce qui reste une cafetière à dosettes… L’intention était bonne mais, hélas, la pensée unique publicitaire a encore frappé. Soyons justes et subtils ! »

- Le site de Malongo