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Gaz de schiste : pourquoi les estimations en France sont fausses
jeudi, 13 juin 2013
/ Amélie Mougey
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Combien de mètres cubes de gaz de schiste dorment sous nos pieds ? Un quart de moins que ce que l’on pensait, a annoncé lundi, l’Agence américaine de l’énergie. Mais pour les géologues français, aucune estimation ne tient la route.
« La question d’une exploitation "écologique" des gaz de schiste ne se pose pas », a affirmé Philippe Martin, le ministre de l’Ecologie, dans une déclaration écrite à l’AFP. « Le bilan carbone des forages de gaz de schiste est très négatif, surtout si l’on prend en compte non seulement le CO2 issu du gaz extrait, mais aussi de la quantité de méthane qui fuit vers l’atmosphère lors de l’extraction. » Le ministre réagissait ainsi aux propos d’Arnaud Montebourg, qui a fait part mercredi 10 juillet de son souhait de confier l’exploitation de cette ressource à une compagnie publique si une solution non-polluante était mise au point. |
La France vient de quitter le club très envié des eldorados potentiels de gaz de schiste. Au niveau mondial, les nouveaux résultats de l’Agence américaine de l’énergie (EIA), publiés le 10 juin, ont de quoi faire saliver les pétroliers : depuis le dernier rapport paru en 2011, les réserves présumées de cet « hydrocarbure non conventionnel » ont été revues à la hausse de 10 %. Elles atteignent désormais 345 000 milliards de barils, soit l’équivalent de la consommation mondiale pendant dix ans.
Mais la France, comme la Pologne, est restée sur le banc. Pire, elle dégringole au classement. Tandis qu’en 2011, l’Hexagone fanfaronnait en dixième place mondiale des pays dotés de sous-sols riches en gaz de schiste (avec un magot estimé à 5.100 milliards de mètres cubes), elle est aujourd’hui sortie du classement américain. Entre temps, près de 1200 milliards de m3, soit 24% des réserves précédemment estimées, semblent s’être évaporés. Sur certaines zones, la baisse est encore plus marquée. Ainsi, le bassin du Sud-est (un triangle situé grosso modo entre Montpellier, Nice et Grenoble) renfermerait dix fois moins de ressources que celles évaluées il y a deux ans. De tels écarts laissent les géologues dubitatifs.
« Dans ces circonstances, il manque des données de base », confirme Michel Cathelineau, directeur de recherches en géologie et gestion des ressources au CNRS. Selon les chercheurs français, quand elle s’intéresse à la France, l’EIA ne peut se baser sur aucun élément concret. Restent les analogies et extrapolations. « Pour estimer la quantité de gaz de schiste il faut mesurer la surface occupée par les roches mères qui en produisent, estimer leur profondeur et, à partir d’échantillons, déterminer leur productivité », détaille le chercheur, « ensuite c’est simple comme une multiplication ». Mais en France, le calcul butte sur la troisième variable : la capacité d’une roche à produire du gaz. Celle-ci dépend de la quantité de matière organique présente, mais aussi de la température et de la pression auxquelles elle est soumise. « Or sans forage, impossible de connaître ces paramètres », souligne Michel Cathelineau. « Les experts de l’EIA considèrent uniquement la quantité de matière organique, c’est-à-dire l’ingrédient de base, ce qui n’est pas suffisant », renchérit François Kalaydjian.
Faute de permis de forer, en deux ans la France n’a donc pas fait d’avancée significative. Pour preuve, quatre des six études sur lesquelles se basent l’EIA pour établir ses nouvelles estimations sont veilles de plus de 10 ans. Alors comment expliquer que les conclusions divergent des chiffres précédents ? « Bizarrement entre 2011 et aujourd’hui, les périmètres étudiés ont changé », s’étonne François Kalaydjian à l’IFP, avant de poursuivre : « Certaines zones présentes dans l’étude il y a deux ans, ne sont même plus mentionnées, sans que l’on puisse se l’expliquer. »
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