![]() |
https://www.terraeco.net/La-geothermie-a-t-elle-recours-a,50099.html
|
![]() |
La géothermie a-t-elle recours à la fracturation hydraulique ?
lundi, 10 juin 2013
/ Geneviève de Lacour
|
Derrière cette question se cache en filigrane une idée plus dérangeante : pourquoi la géothermie serait autorisée à employer la technique et pas l’industrie pétrolière ?
Mise à jour Jeudi 10 octobre 2013 : Ce vendredi, le Conseil constitutionnel se penche sur la question. S’il répond positivement, la loi interdisant la fracturation hydraulique pourrait tomber.
Soultz-sous-Forêts dans le Bas-Rhin. Ici, un forage à grande profondeur permet de capter la chaleur de la terre. On y fait même de l’« Enhanced Geothermal System » ou EGS, une technique au nom barbare qui permet d’élargir les fissures de la roche pour remonter plus d’eau chaude. Une technique comparable… à la fracturation hydraulique, affirment les pétroliers. Et c’est dans cette faille que les exploitants de gaz de schiste veulent s’engouffrer.
Pointilleux, les acteurs de la géothermie préfèrent, eux, parler de stimulation hydraulique. Stimulation, fracturation, de quoi parle-t-on ? L’association européenne de géothermie (Egec) a publié le 6 juin dernier une note précisant les différences entre les deux termes. Car « si les deux techniques sont proches, on ne parle pas de la même chose », martèle Christian Boissavy président de l’Association française de géothermie (AFPG). « Les bulles de gaz de schiste sont emprisonnées dans une formation extrêmement compacte. Il faut donc fracturer massivement pour récupérer le gaz. En géothermie, on exploite un réservoir qui est déjà fracturé. En stimulant, on augmente la perméabilité de la roche, on ne crée pas de nouvelles fissures. »
Reste que faire l’amalgame arrange bien les pétroliers. Pour Olivier Appert, directeur de l’IFPEN, l’ex Institut français des pétroles, « il n’y a pas deux techniques différentes pour amener à fracturer. Les deux techniques sont identiques ». Même son de cloche dans le rapport Bataille-Lenoir de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), rendu public le 6 juin dernier où il est clairement précisé : « La fracturation hydraulique est utilisée en géothermie. »
Pour s’attaquer à la loi du 13 juillet 2011 qui a instauré l’interdiction, le lobby pétrolier tente de la faire vaciller sur ses bases juridiques. « Une loi votée dans la précipitation dont on n’a jamais vérifié la constitutionnalité », concède Muriel Bodin avocate d’associations anti-gaz de schiste. « On ne voulait pas de cette loi car on savait qu’elle ne définissait pas la technique. »
Schuepbach Energy a donc déposé, en janvier dernier, un recours auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val d’Oise) après avoir vu deux de ses permis abrogés. La société texane estime que la « loi méconnaît le principe d’égalité dès lors que cette technique est admise en géothermie ».
Le cas échéant, elle pourrait bien se voir invalidée. Si c’est le cas, « elle doit être rectifiée dans un climat juridique serein. Or on voit que les lobbies pétroliers ont ravivé les tensions », précise l’avocate. « Je comprends que les pétroliers texans soient fâchés. Ils ont déposé des permis, autorisés dans un premier temps, et maintenant ils ne peuvent plus employer la fracturation hydraulique », admet Christian Boissavy.
Alors va-t-on vers de futurs conflits d’usage du sous-sol ? Entre ceux qui veulent exploiter la géothermie, les hydrocarbures ou stocker du CO2, le Parlement européen tente de calmer le jeu. Dans une résolution votée en septembre 2012, le Parlement invite les autorités publiques « à élaborer une évaluation régionale des incidences sur le sous-sol, afin d’optimiser la répartition des ressources entre l’énergie géothermique, le gaz de schiste et les autres ressources souterraines et ainsi de développer au maximum les avantages pour la société ». Aura-t-on besoin d’un gendarme du sous-sol ? En attendant, la France devra certainement revoir sa copie, et définir enfin précisément ce qu’est la fracturation hydraulique.