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Est-ce que je risque la prison en louant sur Airbnb ?
jeudi, 6 juin 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Un loueur new-yorkais a été condamné à 1 800 euros d’amende pour avoir violé une loi visant à lutter contre l’hôtellerie illégale. Et en France ? « Terra eco » fait le point et vous explique ce que vous risquez.

Mise à jour le 12 septembre 2013 : Sept députés socialistes veulent encadrer davantage les plateformes de location d’appartements comme Airbnb, avec un amendement au projet de loi Duflot, lit-on sur le site de 20 minutes. L’idée serait d’obliger les sites à obtenir des propriétaires mettant à la location leur logement l’attestation de déclaration du meublé. « Il ne faut pas que le développement de ce marché [du meublé locatif] aboutisse à une offre grise qui poserait problème au marché de la location classique et aux hôtels », a déclaré à l’AFP Pascal Cherki, l’un des députés signataires.

Mais si, vous connaissez forcément la plateforme Airbnb. On peut parier qu’au moins l’un de vos amis, collègues ou voisins a utilisé ce site pour louer une chambre ou l’appartement d’un particulier pendant ses vacances.

Depuis sa création, il a séduit des millions de personnes dans 33 000 villes du monde entier. Son succès est tel que ce site est devenu le porte-drapeau de l’ « économie collaborative ». Mais la décision récente d’un juge new-yorkais fait aujourd’hui naître des craintes chez nombre de ses utilisateurs. Le tribunal administratif de la ville de New York a en effet adressé une amende de 2 400 dollars (1 800 euros) à un particulier pour avoir violé une loi – visant à lutter contre « l’hôtellerie illégale » – qui interdit depuis 2011 aux particuliers de louer leur logement pour des périodes de moins de 29 jours. Autant dire que la plupart des hôtes new-yorkais d’Airbnb sont dans l’illégalité et risquent la même sanction. La décision marque la fin d’une ère pour ce site, comme peut-être pour l’ensemble des sites de consommation collaborative. Il faut dire qu’à force de grandir, ceux-là concurrencent sérieusement les acteurs de l’économie traditionnelle... qui commencent à se défendre. La France va-t-elle à son tour sanctionner ceux qui louent via Airbnb ? Dans quels cas risquez-vous des ennuis en louant votre appart’ ? Terra eco fait le point.

- Puis-je, aujourd’hui, louer mon appartement si je suis locataire ?

Sur son site français, Airbnb ne rappelle pas les règles en vigueur en matière de location. Christophe Buffet, avocat spécialiste du droit de l’immobilier nous rappelle : « La loi du 6 juillet 1989 est très claire. Elle interdit la sous-location sauf si le locataire obtient l’accord écrit de son propriétaire, et encore il faut que cet accord mentionne le prix du loyer », nous explique-t-il. Si votre propriétaire vous surprend avec un sous-locataire, ou s’il tombe sur votre annonce sur le site Airbnb, vous risquez la résiliation directe de votre bail et l’expulsion. Autre problème : il est obligatoire de déclarer ces revenus sur votre feuille d’impôt. A vous de voir si vous voulez déclarer des revenus illégaux ou si vous ne voulez pas déclarer ces revenus, ce qui est illégal.

- Puis-je, aujourd’hui, louer mon appartement si je suis propriétaire ?

Les propriétaires peuvent, eux, louer à leur guise, à condition que ce soit de manière occasionnelle et qu’ils déclarent les revenus de ces locations. Attention tout de même si vous êtes en copropriété. Les règlements de certaines interdisent tout bonnement de louer en meublé. Si vous louez tout de même, vous risquez de devoir verser des dommages et intérêts. « Et même quand ces locations ne sont pas clairement interdites, le syndicat de la copropriété peut juger que vos locations constituent un désagrément, parce que des personnes inconnues ont les clés de l’immeuble ou parce que les gens qui s’installent et repartent avec leurs valises gênent la vie de l’immeuble », détaille Christophe Buffet. « Pour le reste, pas grande chose ne peut vous arriver puisque votre activité correspond à de la location meublée saisonnière et non à un service d’hôtellerie. »

Ne comptez toutefois pas vider votre bureau ou la chambre du petit pour la louer 7 jours sur 7 via Airbnb. « A partir d’une certaine fréquence de location et d’une certaine quantité de revenus touchés grâce à Airbnb, l’activité peut être considérée comme un commerce et donc être considérée comme illégale. La frontière est assez floue et seul un juge peut statuer là-dessus », note Christophe Buffet.

- Les règles peuvent-elles encore se durcir ?

Difficile de savoir combien d’hôtes proposant des locations sur Airbnb sont dans l’illégalité. Les fondateurs du site assurent, eux, que leurs utilisateurs « ne sont pas les exploitants d’hôtels illégaux qui cherchent à faire des profits rapides ». Même réponse d’Airbnb France, via son service de presse, qui assure que ses hôtes « sont des Français qui – parmi d’autres raisons comme le plaisir de rencontrer des gens du monde entier – louent leur logement sur Airbnb pour arrondir leurs fins de mois ».

N’empêche que « la multiplication de ces locations de courte durée contribue à limiter l’offre d’habitations principales et à déséquilibrer le marché du logement » dans certaines zones en tension, jugeait l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) dans un rapport récent. N’empêche aussi que les professionnels voient dans ces offres une concurrence déloyale. Roland Héguy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) confirme avoir demandé au gouvernement d’accentuer la lutte contre l’« hôtellerie illégale », notamment via Airbnb. « Rien qu’à Paris, il y a déjà 20 000 annonces proposées sur Airbnb alors qu’on n’a que 80 000 chambres d’hôtels. Je ne peux pas vous dire que toutes les annonces sont illégales, mais il est clair qu’il y a un flou juridique qui permet l’émergence de formes de concurrence déloyale et qui prive donc l’Etat de sommes énormes », juge le dirigeant. En effet, là où les propriétaires de chambres d’hôtes doivent déclarer leur location, respecter des règles de sécurité et se soumettre à une fiscalité spécifique", les hôtes d’Airbnb échappent pour l’instant à de nombreuses contraintes.

Plusieurs municipalités envisagent donc de durcir la législation en la matière. La mairie de Paris (qui n’a pas répondu à nos questions dans les délais impartis) serait en train de travailler à la rédaction d’une charte à ce sujet. Toute la difficulté est de faire la différence entre les particuliers qui complètent leur revenus en louant occasionnellement et les professionnels ou semi-professionnels qui utilisent cette plateforme pour contourner la législation. Pour aider les villes dans cette tâche, le think-tank américain Sustainable Economies Law Center a publié une note d’orientation sur le sujet. Il propose par exemple :

- d’exiger que les hôtes déclarent leur location et payent une petite somme d’argent pour cela

- d’imposer le respect de certaines règles de sécurité

- d’imposer que l’hôte soit présent dans le logement pendant la location

- de limiter le nombre de nuitées ou les sommes d’argent touchées par les hôtes

- d’imposer une taxe sur les locations, plus ou moins élevée en fonction du respect des critères précédents

Voilà à quoi pourrait ressembler la location entre particuliers de demain, notamment à Paris. Si vous vivez dans une zone où le marché immobilier est tendu et louez votre appartement via Airbnb, vous devrez peut-être bientôt vous y conformer.