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Trois employés de la grande distribution témoignent
jeudi, 30 mai 2013 / Eve Charrin , / Elsa Ponchon /

Journaliste à Terra eco. Folle des bébés chiens, droguée au chocolat et mordue de nature.

Course à la rapidité, heures non comptées, perspectives d’évolution… Trois salariés de supermarché nous racontent leur métier.

- Gaëlle, caissière

« Je travaille à Intermarché depuis 1998. Je reprends mon poste à 32 heures, après un mi-temps thérapeutique, suivi d’un arrêt à cause d’un accident. Je suis au Smic horaire. Il a un peu augmenté : je pense toucher dans les 1 000 euros net à la fin du mois. Un salaire de misère. Ce n’est pas facile tous les jours, mais je ne vais pas me plaindre. J’ai un travail. Il y a des filles à 28 heures, d’autres à 30 ou 32… Certaines sont là depuis trente-cinq ans, mais n’ont pas de primes d’ancienneté. La seule chose, c’est une journée voire deux dans l’année payées en plus. Etre caissière, ce n’est pas très épanouissant. Je travaille parce qu’il le faut, mais j’aimerais faire autre chose. Il faudrait que je refasse une formation. J’ai déjà demandé s’il n’y avait pas un poste pour moi dans les bureaux à Intermarché, mais non. Il n’y a pas beaucoup de perspectives d’évolution. On peut devenir chef de rayon ou chef de caisses, mais ça ne va pas plus loin. Dans mon Intermarché, la direction est plutôt arrangeante question horaires et on est bien pris en charge avec la mutuelle de l’entreprise. Récemment, quatre caisses automatiques ont été installées. Une caissière supervise le bon fonctionnement des machines, mais il n’y a plus vraiment de contact avec les gens. Je ne sais pas si ça sera le cas, mais on s’inquiète de l’installation de ces caisses. Après, on sait qu’ils auront toujours besoin de main-d’œuvre pour les rayons, ou pour la préparation des commandes pour les clients qui achètent sur Internet. » Recueilli par E.P.

- Kamel, livreur

« Je travaille depuis plus d’un an comme livreur chez Franprix, à Paris, pour 1 350 euros par mois. On travaille à deux : je conduis, l’autre guide, et on porte les sacs ensemble. Je commence à midi, jusqu’à 18 h, six jours par semaine, du lundi au samedi. Enfin, 18 h… en principe. Quelquefois je termine à 19 h 30, quand il y a beaucoup de clients à livrer. On livre à domicile ainsi que les magasins Franprix qui font des échanges entre eux pour optimiser les stocks. Pour gagner du temps, je mémorise les trajets. Par exemple, entrer dans tel immeuble par la porte de derrière pour éviter un détour… Il faut être aimable, dégourdi et costaud.

J’organise mes tournées, c’est-à-dire que, d’abord, j’anticipe l’itinéraire, puis je classe les sacs dans le camion. C’est stressant. Une fois, chez un client, on a livré trop de produits ! Mais c’était exceptionnel. Je suis rodé. Anticiper, c’est important. On nous donne 100 euros d’essence tous les quinze jours, il faut se débrouiller avec : ça pousse à concentrer les tournées. Avant, je faisais de l’intérim. Puis j’ai été embauché en CDI par une société de transports-livraisons, pour Franprix. Je dois dire que je suis livreur Franprix, mais, en fait, je suis salarié de cette société. Je vois mon chef seulement une fois toutes les deux semaines. Là-bas, ils savent qu’on travaille. Le camion est équipé d’un mouchard, au cas où... C’est un métier qui marche à la confiance et à la réputation. » Recueilli par E.C.

- Pierre, chef de secteur

« Je travaille dans la grande distribution depuis cinq ans. Je fais cinquante-cinq heures par semaine pour 1 800 euros net. J’ai toujours fait plus d’heures que la limite légale. C’est la clé pour réussir. Les employés, quels qu’ils soient, subissent une grande pression. Il faut être performant, aller toujours plus vite pour une grande quantité de travail. Il y a beaucoup à faire en peu de temps. On travaille les jours fériés, pendant les vacances, parfois le dimanche et sur des temps d’ouverture longs (très tôt le matin, et parfois pour certains magasins, tard le soir). Malgré cela, le salaire, lui, ne bouge pas. Il y a des primes d’ancienneté, mais ce n’est pas mirobolant. Lorsqu’on travaille le dimanche, on n’est pas payé plus cher, mais on obtient un jour de récupération dans la semaine. Cela dit, il y a toujours possibilité d’évoluer, même sans formation de base. Ce qui compte, c’est la motivation. Il ne faut pas avoir peur de changer de magasin. Moi, j’ai évolué à un poste à responsabilité en seulement cinq ans. Chef de secteur, c’est un métier très riche : je fais du management, du marketing, du commerce et je négocie avec les fournisseurs. Une très bonne école en somme. Je ne sais pas encore si je resterai dans ce secteur d’activité pour y faire carrière car le rapport salaire-horaire n’est pas fameux, mais dans l’ensemble, je suis satisfait. C’est un vrai choix de métier. » Recueilli par E.P.

(Certains prénoms ont été changés)