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Le Galaxy S4, un modèle de « social washing » pour Samsung
vendredi, 24 mai 2013 / Novethic /

Le média expert du développement durable

Socialement responsable, ce nouveau « smartphone » ? C’est ce qu’affirme le fabricant coréen, qui met en avant la certification par un label privé suédois, TCO.

« Le Galaxy S4, le smartphone vedette de Samsung, est le premier à satisfaire aux exigences reconnues internationalement en matière de conception environnementale et de fabrication socialement responsable. » Voilà ce que vante TCO Development, un label de certification suédois. Lancé le 26 avril, le nouveau téléphone de Samsung, qui veut distancier l’Iphone d’Apple, est le premier à être ainsi propulsé au sommet de la responsabilité sociale et écologique par un organisme de certification européen, indépendant. Quelques mois après les accusations dont le fabricant coréen avait fait les frais (recrutements de mineurs, heures supplémentaires abusives et discriminations), le géant aurait-il changé de politique sociale ? A en juger par les exigences sociales du label, rien n’est moins sûr. Par contre pour TCO, c’est un gain considérable en notoriété et pour Samsung, un outil de communication qui n’est pas négligeable.

TCO aimerait « être connu »

Car TCO Development n’est pas n’importe qui : surtout connu des acheteurs professionnels, l’agence porte l’acronyme du syndicat de cadre suédois (TCO) qui l’a créée en 1992. Objectif au départ : certifier des écrans d’ordinateurs pour apporter une garantie de confort visuel et d’ergonomie aux employés de bureau, et de performance d’énergie à leurs employeurs. La certification s’est ensuite élargie aux vidéo-projecteurs et ordinateurs, puis en 2009 elle a intégré des exigences sociales. Quant à la nouvelle incursion sur les téléphones, elle serait liée à des discussions avec Samsung, confie le directeur du développement produit et de la certification à TCO Development, Niclas Rydell.

« Nous aimerions être connus et utilisés par le grand public, mais nous n’en avons les moyens ! », ajoute Niclas Rydell. Jusqu’à présent les utilisateurs de son label sont surtout des acheteurs professionnels en Europe et aux Etats-Unis, y compris en France, où le label est exigé depuis plusieurs années dans les appels d’offre de l’Etat en bureautique. TCO a d’ailleurs été préconisé dans une circulaire du premier ministre de 2008 sur l’administration exemplaire, en tant que garantie de performance environnementale. Ces acheteurs vont-ils désormais s’emparer du téléphone Galaxy et s’intéresser à la partie sociale ? Samsung vise en partie à les séduire, reconnaît Niclas Rydell, mais pas seulement : après les « turbulences » récentes sur les conditions de travail dans les usines, Samsung voudrait aussi montrer plus largement qu’elle fait « ce qu’elle peut pour éviter des mauvaises conditions de travail ». C’est là que les choses se compliquent.

Le minimum syndical

Car les critères exigés par TCO pour obtenir la certification se révèlent au final très classiques et plus proches du minimum de la responsabilité d’entreprise que de l’excellence :

- ainsi la première exigence est la signature, par le fabricant, d’un engagement à respecter les 8 conventions-clé de l’Organisation internationale du travail (OIT), lesquelles sont une base, et non le « nec plus ultra », du droit social (1)

- deuxième exigence, « l’entreprise doit démontrer qu’elle a des procédures et une personne responsable pour faire respecter les clauses sociales », précise Niclas Rydell. Mais pour ce faire, TCO se borne à demander soit une attestation de certification SA 8000 (un autre label de certification, américain celui-là et centré sur les conditions de travail), soit un document d’adhésion à l’EICC, un consortium électronique dont l’appartenance suppose le respect de clause sociales strictes... et auquel la grande majorité des constructeurs de téléphone appartiennent déjà. Surtout, et c’est là que cela coince le plus, la certification n’est pas vérifiée pour tous les sites de production puisque la fourniture d’un seul rapport d’audit détaillé, effectué dans une seule usine, suffit aux yeux de TCO.

« Fondamentalement, il s’agit d’engagements écrits et d’audits occasionnels », regrette Fanny Gallois, du collectif Ethique sur l’étiquette, pour qui l’actualité a largement montré que ce type d’engagements était insuffisant. Au Bangladesh deux entreprises présentes dans le Rana Plaza ne s’étaient-elles pas fait auditer peu de temps avant l’incendie ? Fanny Gallois rappelle aussi que Samsung a nié la plupart des violations aux clauses de l’EICC et de l’OIT qu’avait constaté China Labour Watch en 2012, ce qui n’est pas un signe de responsabilité.

Interrogé sur les risques de faire du social washing, TCO Development récuse cette idée. Au contraire, pour Niclas Rydell, la certification de Samsung est « un très grand pas en avant et une plus grande transparence, ainsi qu’un moyen formidable de contribuer à faire changer les pratiques de l’industrie ». Côté transparence, il y a quelques limites : interrogé sur le nombre et la nationalité des usines qui produisent le Galaxy S4, TCO préfère ne pas répondre.

Cet article de Thibault Lescuyer a été initialement publié sur Novethic le 24 mai 2013

(1) : Les 8 Conventions fondamentales s’imposent à tous les Etats membres, même s’ils ne les ont pas ratifiées, du seul fait de leur adhésion à l’OIT, rappelait Pierre Lyon-Caen (Avocat général honoraire à la Cour de cassation et membre de la CNCDH), en 2010.


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