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J’ai testé la vie sans frigo
jeudi, 30 mai 2013 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Réfrigérateur, mon amour, je te quitte ! Trop gourmand en énergie, trop prétexte à gaspillage. Tu étais dans ma vie depuis tellement longtemps que je ne croyais pas notre divorce possible, mais avec un peu de jugeote et quelques bons réflexes, on vit très bien sans toi.

A l’heure où j’écris ces lignes, feu ma grand-mère doit faire la toupie six pieds sous terre. Elle qui pensait que le frigo était l’invention de son siècle, celle qui lui avait le plus simplifié la vie, elle doit se demander si je suis réellement payée pour faire des tests à la « mords-moi le nœud », selon sa propre expression ! Ce mois-ci, vivre sans frigo. On se l’était gardé pour le retour des beaux jours et des températures clémentes, histoire d’augmenter le degré de difficulté. Mais avec ce climat détraqué, la vie sans frigo, c’est fingers in the nose ! En mai 2013, n’importe où en France, le rebord de la fenêtre a pu servir avantageusement de chambre froide. En bon petit soldat, j’ai même poussé la rigueur jusqu’à me passer de congélo – et en profiter pour le dégivrer car, tu le sais, petit scarabée, chaque demi-centimètre de givre augmente la consommation énergétique de ton appareil du froid de 30 % !

Première leçon : ton régime alimentaire sans chaîne du froid tu organiseras. C’est là que mémé entre en scène, car sans frigo, il faut l’avouer, on se complique un peu la vie. Au moins au début. Exit les produits surgelés qui soulagent la workaholic, adieu la pizza du dimanche post-gueule-de-bois, les lasagnes chevalines ou le mélange de champignons qui ambiance l’omelette. Finis les dés de gingembre prêts à l’emploi, la soupe thaï qui dégèle en six minutes, etc.

La stratégie des demi-portions

A part ça, on ne change rien. On renonce à la moutarde et à la mozza qu’on met des jours à consommer. Là encore, mieux vaut être végétarien : sans tranches de jambon ni côtelettes, on se tamponne de la conservation à +5 °C. En revanche, pour le lait, les yaourts et les délicieux fromages qui puent : rebord de fenêtre. Et on se lâche sur les boîtes de conserve, de thon, de légumes, de crèmes au chocolat…

Deuxième leçon : les justes portions tu achèteras. Ce test apprend la stricte suffisance. D’abord et avant tout, on achète certaines quantités pour s’éviter trop souvent la corvée des courses. Seule et sans frigo, il faut renoncer aux achats massifs et renouer avec la virée quasi quotidienne dans le commerce de bouche. Après tout, on passe bien volontiers à la boulangerie tous les jours, non ? Ce faisant, j’ai découvert un de ces paradoxes dont je raffole : j’achète plus souvent, mais moins (un peu comme quand j’essaie d’expliquer qu’en faisant les soldes je fais des économies !). Le cas exemplaire est le beurre. Ne vivant pas dans une yourte au milieu de la steppe mongole, je goûte moyennement le beurre rance. Je ne l’achète plus que par plaquettes de 125 grammes. Idem pour les bouteilles de lait qu’il vaut mieux prendre en version demi-litre. Quant aux yaourts, les pièces uniques sont hors de prix (jusqu’à 1,5 euro LE yaourt fermier !).

Troisième leçon : ce que tu mangeras tu prévoiras. C’est le plus barbant. Des bananes ? Une seule pour la semaine. Les kiwis ? Compter un par petit-déjeuner. Je n’achète plus de pommes au kilo, mais deux ou trois fruits que je suis sûre de manger. Les yaourts ? OK, mais il faut se farcir les quatre en deux jours, soit deux par jour. Le fromage ? Va pour le camembert, le chèvre pas trop trop frais, mais il faut tirer un trait sur les tartines au roquefort. Envie d’un steak ? Pourvu que la boucherie soit ouverte. On se fait des listes, on achète le nombre exact d’ingrédients de la recette, sinon on jette trop, on culpabilise et on se tire une balle. Ce serait ballot.

Bête comme chou, la conserve

Quatrième leçon : d’autres modes de conservation tu privilégieras. Salaisons, séchage, stérilisation, bain d’huile : on a l’embarras du choix. Avec mon panier de légumes hebdomadaire, je ne décide pas de ce que je vais devoir cuisiner. Pas envie de ces poivrons rouges dans la semaine ? Et hop, je les passe au four, les découpe en fines lamelles avant de les plonger dans de l’huile et de l’ail. Ces haricots verts ne m’inspirent pas plus que ça ? Qu’importe, je les blanchis, avant de les mettre en conserve. C’est bête comme chou : un bocal, de l’eau chaude, un autocuiseur et un brin d’énergie. Météo oblige, je n’ai pas testé le séchage au soleil, mais on peut aussi trancher ses fruits, les passer au four à 45 °C et alterner avec des périodes de refroidissement.

Cinquième et dernière leçon : après ce test tu continueras. A part la moutarde, les restes, les produits laitiers et quelques fruits et légumes non ionisés, tout se conserve à peu près hors du frigo : les œufs, le fromage, les légumes… Ce test m’a aussi permis de jeter la confiture à la rhubarbe trop sucrée qui végétait là depuis quatre ans, cette sauce indienne ramenée par un ami que je n’utiliserai jamais, ce vieux tube de ketchup bio qui n’a servi qu’une fois. Optimiser son frigo, c’est d’abord le vider pour l’utiliser au mieux. —

Et vous, êtes-vous prêts à cadenasser la porte du frigo pour une semaine ou pour un peu plus longtemps ? Vous sentez-vous capables de faire la tournée des commerçants chaque jour de la semaine ? Dites-nous tout sur votre blog