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En Inde, les distributeurs de billets se font une place au soleil
jeudi, 30 mai 2013
/ Corinne Moutout / Tout au long de l’année 2013, vous retrouverez dans les pages de « Terra eco » les rencontres de Corinne Moutout, qui s’est lancée, en famille, dans un tour du monde journalistique. Elle entend témoigner de quelques-unes des milliers d’initiatives qui émergent et qui contribuent, chaque jour, à construire un monde durable. Ce périple l’emmènera dans pas moins de onze pays. Première étape : le Sénégal. Retrouvez aussi ces reportages dans l’émission « C’est pas du vent », sur l’antenne de RFI : www.rfi.fr/emission/cest-pas-vent |
En Inde, plus d’un demi-milliard de paysans sont exclus du système bancaire. Pour y remédier, une entreprise basée à Chennai a inventé des appareils automatiques solaires très économes.
On peut dire, sans craindre de se tromper, que rares sont, dans le monde, les usagers de banque heureux. Dans le village de Kiliyanur, à 200 km au sud de la mégapole indienne de Chennai (l’ancienne Madras), Veludayam Shankar, lui, frise la béatitude. Le nouveau distributeur automatique de billets (DAB), installé par l’Indian Bank il y a seulement six mois, lui a épargné, au mieux, quelques heures d’attente au guichet ; au pire, une journée prise sur ses congés pour se rendre à la machine la plus proche, à 20 km de là. « Depuis deux ans que j’ai un compte en banque, c’était tellement compliqué d’avoir accès à mon argent que je préférais retirer tout mon salaire d’un coup, avec les risques que cela comporte d’avoir cette somme chez soi. Aujourd’hui, je peux retirer des petits montants quand je veux, après ma journée de travail », explique ce fonctionnaire local du département du développement rural de l’Etat du Tamil Nadu.
Tandis qu’il retirait ses billets, une coupure d’électricité a interrompu le fonctionnement des ordinateurs et de l’air conditionné de la petite succursale bancaire, prolongeant un peu plus l’attente des nombreux clients au guichet, dans la moiteur tropicale. Le DAB, lui, a continué à opérer. Et pour cause, fabriqué par Vortex, une petite start-up de Chennai, il fonctionne à l’énergie solaire. Le « Gramateller » (littéralement, le « distributeur pour les campagnes ») est non seulement le DAB le moins onéreux au monde, en termes de coût d’installation et de fonctionnement, mais aussi le plus vert. Et il est en train de révolutionner le monde de la banque en Inde. « En attendant de répondre aux multiples commandes qui émanent d’autres pays émergents pour lesquels il est totalement adapté », précise Vijay Babu, l’un de ses concepteurs, aujourd’hui directeur général de Vortex.
« Les deux tiers des 850 millions de paysans ne sont pas bancarisés. Participer à leur inclusion financière, grâce à un DAB totalement adapté aux populations rurales, nous semblait un beau défi technologique et économique, s’amuse aujourd’hui Vijay Babu. C’était aussi un vrai engagement social car, toutes les études le prouvent, pour les plus pauvres, ne pas avoir de compte en banque revient plus cher qu’en avoir un, dans un pays comme l’Inde où les frais bancaires sont très peu élevés, à l’inverse de ce que pratiquent les institutions de microfinance. »
Relever une telle gageure signifiait toutefois surmonter plusieurs obstacles : le coût élevé d’achat et de fonctionnement d’un DAB, qui le rend peu rentable pour des banques dont la clientèle dans les zones rurales reste bien moindre que dans les villes ; la distribution particulièrement aléatoire d’électricité dans les campagnes, qui connaissent huit à dix heures de coupures quotidiennes et le manque de confiance des paysans envers une machine « trop sophistiquée » pour eux.
A dire vrai, c’est même moins encore, puisque le Gramateller n’a pas besoin d’être raccordé au système électrique de la banque. Le DAB est en effet si économe en énergie qu’il est le seul au monde à pouvoir être alimenté grâce à des panneaux photovoltaïques. Son accumulateur permet douze heures de fonctionnement sans interruption. Enfin, pour rendre l’appareil totalement adapté aux populations rurales largement illettrées, ses deux concepteurs ont eu quelques idées ingénieuses : un système d’instructions vocales en complément de l’écran et, pour éviter le stress d’une erreur de code, une identification digitale. Enfin, détail apparemment anodin mais important aux yeux des villageois : le Gramateller distribue des coupures sales et graisseuses, que les clients ne peuvent soupçonner d’être des contrefaçons. Sous peine de congestion, les distributeurs conventionnels n’acceptent, eux, que les billets neufs, considérés avec dédain à la campagne.
Au moment de son lancement, en 2010, le Gramateller a bénéficié d’un sérieux coup de pouce du gouvernement qui, via la State Bank of India, en a acheté 400 exemplaires pour un projet pilote. De fait, depuis 2005, les autorités ont mis en place un système d’aide aux plus pauvres. Le NREGS (Système national de garantie de l’emploi rural) leur assure cent jours de travail par an, pour un salaire de 1,5 euro par jour. Le programme concerne 35 millions de foyers, essentiellement dans les zones rurales. Or, cet argent est versé aux bénéficiaires par des autorités locales, qui le détournent volontiers à leur profit. « Et voilà comment la corruption généralisée en Inde nous a servi », sourit Vijay Babu.
Pour les SDF, des radios qui rayonnent
Dans l’Hexagone aussi, le solaire peut briser l’exclusion. Pas de billets ou de cartes bancaires ici, mais des transistors. En décembre dernier, l’association Les Enfants du canal – créée dans le cadre de l’action des Enfants de Don Quichotte au cœur de l’hiver 2007 – distribuait 1 000 postes de radio à des sans-abris parisiens. Pas de problème de piles, puisque les appareils – qui peuvent aussi servir de lampes de poche – fonctionnaient à l’aide d’une dynamo et de l’énergie solaire. Objectif de l’opération ? Rompre l’isolement des SDF en leur permettant d’écouter les infos ou de la musique. —
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