https://www.terraeco.net/spip.php?article4981
|
EDF plus voyant qu’éclairant
lundi, 29 juin 2009
/ Emmanuelle Walter
|
Forte de ses 10 millions d’euros, la campagne du géant français a inondé magazines, télés et panneaux d’affichage. Elle a mêlé éolien, double-vitrage et champion de natation, mais s’est faite beaucoup plus discrète sur le nucléaire.
« Nous avons déjà donné des interviews et nous sommes passés à autre chose. Je n’ai pas de porte-parole sur ce sujet, c’est comme ça. » EDF ne veut plus communiquer sur sa campagne « Changer l’énergie ensemble ». Nous ferons donc sans la version de la multinationale. Tant pis. Impossible, en revanche, pour la rédaction de Terra Eco de faire l’impasse sur ces visuels branchés qui ont envahi la presse depuis début mai.
Trois autres séries de portraits devraient sortir d’ici à fin 2009, mettant en scène plusieurs champions de sports nautiques (la nageuse Coralie Balmy, le canoë-kayakiste Tony Estanguet) mais aussi des familles (fictives), et des salariés EDF issus de l’immigration (« diversité » oblige). Sauveur Fernandez, consultant en communication responsable et membre des Publicitaires éco-socio-innovants, analyse : « Des écogestes par-ci, l’éolien par-là, on nous livre des bouts d’information, épars. Mais on ne met en scène aucun haut responsable qui détaillerait une stratégie globale. Le lecteur-usager est infantilisé. Alain Bernard, ce n’est pas EDF ! »
Alain Grandjean, économiste, spécialiste des questions énergétiques et cofondateur de Carbone 4, précise à la décharge d’EDF que « les autres électriciens européens émettent bien plus de CO2 avec leurs centrales à charbon » ; que « le renouvelable en France n’est pas encore rentable » ; que « la filiale verte, EDF Energies nouvelles, grandit et remporte de gros marchés à l’étranger ». Reste que le décalage publicité-réalité est manifeste. « L’obsession actuelle d’EDF, ce ne sont pas du tout les énergies renouvelables [que la campagne vante pourtant dans plusieurs pubs, ndlr]. C’est de décrocher de l’argent pour ses futurs réacteurs nucléaires (2), les EPR, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. On est donc ici en pleine communication artificielle, sans aucun lien avec les faits », juge Stéphane Lhomme, de Sortir du nucléaire.
Pour symboliser cet état d’esprit, Frédéric Marillier, de Greenpeace, rappelle une actualité récente. En mars, EDF a protesté contre l’ambition britannique de produire 35 % d’électricité éolienne d’ici à 2020, projet que l’entreprise a jugé « irréaliste et dommageable au nucléaire » (3). Et pour cause : EDF, qui a racheté, fin 2008, British Energy pour 15 milliards d’euros, envisage de construire outre-Manche deux à quatre EPR, et a besoin d’argent public.
Dans la campagne, le nucléaire n’est explicitement cité que dans un seul visuel, via le portrait de Laurent Amice, chef du projet EPR de Flamanville, qui vante les vertus du nouveau réacteur, sa productivité, ses « 30% de déchets radioactifs en moins ». Frédéric Marillier précise : « Le volume des déchets va baisser, mais pas le taux de radioactivité ! » Autre reproche : malgré le portrait d’un conseiller clientèle qui prône les économies d’énergies, EDF « ne communique pas assez sur la nécessité absolue de faire baisser nos consommations », souligne Alain Grandjean. Lequel conclut : « EDF est encore une entreprise dont le métier de base est de vendre le plus d’électricité possible. Il faudrait copier la Californie, où des producteurs d’énergie gagnent de l’argent quand la consommation baisse. »
(1) Source : rapport développement durable 2008 d’EDF.
(2) EDF a lancé un emprunt obligataire d’un milliard d’euros d’une durée de cinq ans auprès du grand public pour financer ses prochains investissements.
(3) L’article du Guardian
Le blog de Philippe Heymann
JPEG - 50.2 ko 253 x 330 pixels |
JPEG - 33.7 ko 192 x 260 pixels |