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A bout de nerfs
mercredi, 24 avril 2013 / Anne de Malleray

Entrée du personnel, de Manuela Frésil. En salles le 1er mai.

Il a fallu sept ans à Manuela Frésil pour tourner ce documentaire dans les grands abattoirs industriels de l’Ouest de la France. Sept ans de négociations et de patience pour que les portes s’ouvrent. La réalisatrice a voulu filmer et recueillir les témoignages à découvert. Mais pour protéger les cadres qui l’ont laissée entrer et les ouvriers qui parlent, elle a choisi de mettre en avant des personnages, dont le témoignage – récité par des acteurs – est façonné par le montage de propos recueillis auprès de dizaines de salariés. Toutes les phrases prononcées l’ont été, mais pas toutes par la même personne. Manuela Frésil est monteuse et, sur ce plan, son film est un tour de force. En préservant l’anonymat, elle dresse un tableau glaçant des conditions de travail dans les abattoirs. Aux images brutes des ouvriers sur la chaîne, couverts de combinaisons uniformes, se succèdent des scènes jouées, dans lesquelles ils miment, à la Charlot, le geste de dépeçage qu’ils pratiquent des milliers de fois par jour. Au départ, c’est la chaîne qui fascinait la réalisatrice, le caractère monstrueux de l’usine, où le rendement, pour le porc, par exemple, est de 7 000 bêtes par jour, soit une toutes les quatre secondes et demie. Mais les travailleurs, eux, lui ont plutôt raconté comment le travail usait leurs corps. « Les corps des animaux sont démembrés par la chaîne de production ; celui des hommes aussi. Les ouvriers souffrent de là où l’on coupe les bêtes. Et c’est pour parler de cette violence qu’ils étaient venus me rencontrer », souligne-t-elle, dans sa note d’intention. Les enjeux éthiques soulevés par l’usine à viande n’en sont pas moins présents, portés par l’image qui accompagne le récit des ouvriers, témoignage collectif des temps modernes. —


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