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Dans l’entreprise, le mâle est défait
jeudi, 28 mars 2013 / Simon Barthélémy

The End of Men, d’Hanna Rosin, Autrement, 188 pages, 19 euros.

La débandade. Ainsi pourrait crûment s’intituler l’essai de Hanna Rosin, qui décrit une révolution en marche : la fin du patriarcat et de « l’ère de la testostérone », selon l’expression de Jóhanna Sigurðardóttir, Première ministre d’Islande, où les prises de risques des banquiers mâles ont coûté cher. La domination masculine subit les coups de boutoir de la crise, de la libération des mœurs et de l’éducation des femmes, écrit la rédactrice en chef du magazine The Atlantic. Elle s’appuie sur les statistiques internationales et ses reportages, surtout aux Etats-Unis. De l’université de Yale aux cités ouvrières, on y croise des étudiantes décomplexées, dont le sexe « faible » devient une arme, ou des mères qui doivent « ramener le bifteck » à la maison – la crise détruit surtout des emplois masculins, dans l’industrie ou le bâtiment. Résultat : « En 2009, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, l’équilibre de l’emploi a penché en faveur des femmes », comme dans d’autres pays depuis.

« Femmes plastiques »

« L’économie post-industrielle n’a que faire des muscles », affirme Hanna Rosin : le secteur tertiaire privilégie « intelligence sociale, communication, concentration ». Surtout, dans le monde entier, à part en Afrique, les femmes sont majoritaires dans les universités et les formations professionnelles. Plus diplômées, les jeunes Américaines gagnent plus que leurs compatriotes masculins. Pourquoi les « femmes plastiques » s’embarrasseraient-elles alors de boulets, incapables de rebondir et qui ne s’impliquent pas plus dans les tâches domestiques ? L’institution du mariage s’écroule donc, sauf dans les classes supérieures, où des « couples culbutos », dit Hanna Rosin, trouvent un équilibre entre ambitions et obligations familiales.

Vestige d’une époque révolue

Mais la route est encore longue : les femmes représentent 3 % des pédégés des entreprises les mieux cotées, 2 % des chefs d’Etat et restent moins bien payées à poste équivalent. Toutefois, l’auteure juge que le plafond de verre est l’« ultime vestige d’une époque révolue ». Le succès de Sheryl Sandberg, dirigeante de Facebook, « plaide la cause de toutes les femmes qui n’ont pas le pouvoir de faire entendre leurs revendications ». Et tant pis si la patronne de Yahoo !, Marissa Mayer, s’oppose au télétravail, favorable aux femmes.

Et puis s’agit-il d’aménager les horaires pour les mères, ou de réduire la pression du travail pour tous ? L’arrivée au pouvoir de victimes d’injustices permettra-t-elle d’en combattre d’autres ? Focalisée sur la réussite individuelle, Hanna Rosin ne s’avance pas sur ce terrain, et élude les mouvements féministes. Après The End of Men, on peut toujours affirmer, avec Aragon, que la femme est « l’avenir de l’homme », ou se demander, avec Renaud, si elle est « l’avenir des cons ». —


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