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La vache folle ? Pour l’Europe, c’est du passé
lundi, 25 février 2013
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
La Commission européenne a levé l’obligation de tester l’encéphalopathie spongiforme bovine chez les animaux sains. Pas trop tôt, pour certains. Trop tôt pour d’autres. La France, elle, attend l’avis de son agence sanitaire pour se prononcer.
Pour la Commission européenne, la vache folle, c’est fini. La preuve, le 4 février, elle a levé une partie de son garde-fou : elle a supprimé l’obligation de mener des tests de dépistage d’ESB (Encéphalopathie spongiforme bovine) chez les animaux sains ne présentant pas de signe clinique de la maladie. Une décision passée quasiment inaperçue, mais repérée par l’hebdomadaire Politis.
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Les tests seront donc dorénavant réservés aux bovins dits « à risque » (animaux trouvés morts, abattus d’urgence ou présentant des signes cliniques). Cela fait en réalité plusieurs années que la législation s’est assouplie : « Au début les tests étaient faits sur des animaux de 36 mois, précise Etienne Bonbon, vice-président de la commission du Code sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Mais l’âge a augmenté au fur et à mesure. » Il a en effet reculé à mesure que s’éloignait la date d’une possible contamination, puisque seuls de vieux animaux ayant consommé des farines avant 2000 pouvaient – en principe - avoir contracté la vache folle.
Un raisonnement « purement comptable, de statistiques », accuse José Bové, eurodéputé (Europe Ecologie – Les Verts). « Aujourd’hui nous sommes dans l’incertitude sur le prion. Nous n’avons toujours pas de connaissance totale sur sa mutation et son développement, poursuit-il. Comment se fait-il qu’il y ait eu un développement aussi rapide au départ ? Qu’est-ce qui a permis la multiplication de la maladie ? Nous n’avons aucune explication. Pour toutes ces raisons, il faut maintenir les tests chez les animaux sains. Il y a encore des cas incompréhensibles tous les ans (27 cas ont été répertoriés en 2011 dans 17 pays de l’UE dont 3 en France, ndlr). »
Pour les deux spécialistes interrogés, la Commission ne prend pas de risques inconsidérés : « Vu comment l’Union européenne a géré l’ESB depuis la fin des années 1990, je ne pense pas qu’on puisse la taxer d’avoir géré de façon légère cette affaire. Ils ont toujours été au-delà des normes internationales en matière de farines et de tests », affirme Etienne Bonbon. « Cela fait un moment qu’on aurait dû prendre cette décision (de lever les tests sur les animaux sains, ndlr). C’est une maladie rare qui est redevenue rare », abonde Jeanne Brugère-Picout.
Reste que la décision européenne arrive à un fort mauvais moment. Juste après la réintroduction des farines animales dans l’alimentation des poissons puis à terme des porcs et des volailles. Au cœur enfin d’une polémique sur la viande de cheval maquillée en bœuf. « La fraude, on ne pourra jamais l’empêcher, reconnaît Jeanne Brugère-Picout. Mais vous savez tous ces gens, les politiques, les scientifiques, quand on leur demande un avis, ils se couvrent. On n’attaquera jamais quelqu’un s’il a pris trop de précautions. On l’attaquera s’il n’en a pas pris assez. »
Echaudée, la France reste indécise. Passera-t-elle outre la décision européenne et poursuivra-t-elle les tests ? Saisie, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) est chargée de plancher sur la question, rapporte le service de presse de l’agence. « Mais les Etats membres ne pourront pas empêcher l’introduction sur leur territoire de viande d’animaux non testés », souligne Etienne Bonbon. « A priori la France va continuer les tests, croit savoir José Bové. Sur les farines aussi, j’espère que la France va continuer de les interdire (Samedi 23 février au Salon de l’agriculture, François Hollande a annoncé que la France n’introduirait pas les farines, ndlr). Mais en même temps nous sommes dans un marché ouvert. On peut se retrouver avec des poissons d’autres pays alimentés aux farines. Dans ce cas, toute la suspicion risque de se porter sur tout ce qui n’est pas étiqueté sans farine. Ça va lancer un boycott. »