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Gaz de schiste : « Le débat qu’organise l’Académie est orienté »
mardi, 26 février 2013 / Danièle Favari /

Danièle Favari est juriste en droit de l’environnement

L’Académie des sciences organise ce mardi une conférence-débat sur les gaz de schiste. Problème : seuls les pro et les climato-sceptiques sont invités, estime Danièle Favari, juriste en droit de l’environnement.

Dans un rapport de janvier 2013 intitulé : « La recherche scientifique face aux défis de l’énergie » , l’Académie des sciences décrivait sa façon de « concevoir un nouvel équilibre entre les énergies fossiles, le nucléaire et les énergies renouvelables ». (1)

L’Académie rappelait notamment que la plupart des combustibles fossiles consommés en France sont importés. Il en résulte une facture énergétique en croissance constante, qui atteint actuellement une valeur égale au déficit commercial du pays. Et, en effet, selon les chiffres du commerce extérieur de 2012, la facture énergétique s’élève à 69 milliards d’euros en 2012 (62,4 milliards d’euros en 2011), supérieure même au déficit commercial de la France (67,2 milliards d’euros en 2012) ; la seule facture pétrolière se chiffrant désormais à plus de 50 milliards d’euros.

Poursuivre le dossier des gaz de schistes

Dans ce contexte, poursuit l’Académie, « il serait utile de reprendre le dossier des gaz de schiste et de réexaminer les conditions d’une extraction qui permettrait de réduire au moins partiellement cette facture et la dépendance (énergétique) de la France par rapport aux pays producteurs de gaz et de pétrole ». Mais, comme chacun le sait, cette extraction pose de nombreuses questions sur la protection de l’environnement. Ce que reconnaît l’Académie qui poursuit en recommandant « que les recherches doivent viser à évaluer les réserves tout en minimisant l’impact environnemental ».

L’Académie a donc organisé sur ce thème une conférence-débat ce mardi 26 février 2013 à l’Institut de France. Elle a choisi pour l’animer le géophysicien Vincent Courtillot, membre de l’Académie des sciences et proche du climato-sceptique Claude Allègre, parce qu’elle déplorait « que des décisions aient été prises hâtivement sans que le dossier soit véritablement instruit », concluant que « les conséquences potentielles économiques positives sont trop importantes dans la situation économique actuelle pour négliger cette nouvelle ressource ».

Un débat orienté

S’appuyant sur le rapport conjoint de la Royal Society et de la Royal Academy of Engineering intitulé « La fracturation peut être sûre si l’on encourage de meilleures pratiques et une régulation efficace », ainsi que sur les interventions de Bruno Courme (ingénieur chez Total) et de Bruno Goffé (chercheur au CNRS) qui pense que le moratoire imposé par l’Etat français « n’est pas forcément la solution la plus pertinente » et que « le plus simple serait quand même de faire de la fracturation hydraulique proprement », ce débat est, semble t-il, orienté.

Il exclut le fait qu’au-delà du débat de la très controversée fracturation hydraulique, l’exploitation des gisements d’hydrocarbures non-conventionnels présente de très graves problèmes d’ordre géotechnique. La modification irréversible de la perméabilité de tout le volume de la formation géologique (roche-mère) dans laquelle sont piégés les gaz de schiste aura des conséquences non mesurées, à cause de la migration du méthane vers les fractures naturelles (failles de la croûte terrestre). Sans être géologue, il suffit de regarder la nature même du schiste pour comprendre, en effet, qu’il ne sera pas possible de puiser le gaz dans tous les interstices de la roche-mère et ce n’est d’ailleurs possible qu’à hauteur de 20%. Qu’adviendra t-il surtout des 80% restants dont l’extraction n’est plus rentable, des nuisances et de la pollution des sites ? Questions éludées par le débat et la plupart du temps par les partisans du gaz de schiste.

Si l’extraction du gaz de schiste pose des défis techniques réels s’agissant de respecter l’environnement, dire sous quelles conditions les gaz de schiste peuvent être exploités de manière sûre et responsable, c’est omettre ces composantes invariables quelque soit la technique utilisée, nonobstant les fuites de méthane pendant la durée d’exploitation des puits et leur empreinte sur les émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, leur impact sur le réchauffement climatique. Autant de questions éludées par l’Académie des sciences.

(1) Elle adressait, pour cela, neuf recommandations. Ces recommandations portait, notamment, sur les questions posées par l’intermittence des énergies renouvelables, le stockage massif de l’énergie, le développement de l’énergie nucléaire, l’utilisation efficace des énergies fossiles et l’amélioration de l’efficacité énergétique dans tous les domaines. Reste la difficulté de stockage, notamment de l’électricité produite, et l’Académie préconise dans son rapport la forme chimique (hydrogène, réduction du CO2) et électrochimique (batteries).


Il est bon ici de rappeler :

1 – La saisine, en novembre 2012, par le Sénat de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) pour que soient étudiées des solutions alternatives à la fracturation hydraulique. L’étude de faisabilité , approuvée à l’unanimité par les élus des deux chambres (Assemblée nationale et Sénat), a été confiée au député Christian Bataille (PS) et au sénateur Jean-Claude Lenoir (UMP). Lors d’une réunion du 31 janvier 2013, il a donc été précisé que la version « d’étape » serait publiée au printemps après une conférence de presse en avril 2013 et la version définitive à l’automne 2013.

2 - La consultation mise en ligne en 23 langues par l’UE en direction des citoyens afin qu’ils expriment leur avis sur la problématique des gaz de schiste dans la future politique énergétique de l’Europe, car cet avenir nous appartient et il n’est peut-être pas trop tard pour aborder le virage d’une nécessaire transition énergétique qui verra la fin du recours aux combustibles fossiles dont l’épuisement est programmé.