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Dunlopillo tire vraiment trop la couverture verte à lui
jeudi, 28 février 2013 / Emmanuelle Vibert

Une innovation mondiale, le matelas révolutionnaire respectueux de l’environnement ? La marque française de matelas voudrait nous bercer avec une histoire de « greenwashing » à dormir debout.

La chansonnette qui accompagnait le slogan « Dunlopillo, dormez comme vous aimeeeez… » vous trotte encore dans la tête, après toutes ces années ? Ouf, vous allez pouvoir l’effacer de votre disque dur. La marque française de matelas s’offre, depuis octobre dernier, une nouvelle campagne de pub, sur les panneaux d’affichage et à la télé. Dans les spots, on voit un homme mal à l’aise sur son lit de branchages ou une femme allongée sur un carré de terre, entourée de navets, un sac de pommes de terre en guise d’oreiller. Tous deux ont du mal à trouver le sommeil et, quand apparaît un vrai matelas où un jeune homme dort comme un bébé, la voix off scande, au choix : « Etre branché écologie, moi, ça m’empêche pas de dormir » ou « Cultiver l’écologie, moi, ça m’empêche pas de dormir ». Et puis aussi : « Dunlopillo, meilleur pour votre confort, meilleur avec la nature ». Mais ces nouveaux slogans valent-ils mieux que l’ancien ?

Stratégie

Analyse de la campagne avec l’agence H, qui l’a élaborée : « Des scènes décalées qui montrent qu’avoir une attitude écolo, ce n’est pas forcément inconfortable, ni compliqué, ni forcément cher, avec le nouveau matelas de Dunlopillo, vendu à 349 euros et qui intègre au moins 50 % de matériaux issus du développement durable. Dunlopillo était la première marque à dire qu’un lit ne servait pas qu’à dormir ; aujourd’hui, elle est la première à lancer un lit écoconçu. » Mais encore ? Sur le site, on découvre une animation susceptible de remporter la Palme d’or dans la catégorie « Je parle aux CONSommateurs comme à des enfants crétins, sinon, ils vont pas comprendre ». Quand vous avez enduré l’intro qui aligne les clichés écolos, vous arrivez à l’explication technique : « Récoltez du mobilier ancien, séparez les matières, transformez le tout – avec des experts, bien sûr, pour que ce soit parfait. Chauffez à 190° C pour éliminer les COV (composés organiques volatils, ndlr), les mauvaises substances, quoi. Et hop, vous obtenez une nouvelle matière première de qualité, écoconçue, avec la même densité que les autres, mais qui est encore mieux aérée : la mousse Ecogen. Oui, bon, d’accord, mais après on en fait quoi ? Eh bien, l’idée géniale, c’est de l’intégrer dans les matelas Dunlopillo. Comme ça, vous avez un matelas avec au moins 50 % de matériaux écoconçus dedans… » La conclusion est un morceau d’anthologie : « Avec Dunlopillo, c’est meilleur, encore et toujours plus meilleur. » Après ça, on se sent plus intelligent et informé, c’est sûr.

Cas d’école

Et pourtant, innovation il y a. Dit par l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, sur son site, c’est tout de même plus audible : « L’usine de fabrication de matelas à Flaviac, en Ardèche, qui devait fermer, a finalement été reconvertie en unité de recyclage de déchets de literie. Un moyen de sauvegarder une soixantaine d’emplois, mais aussi de prendre de l’avance sur la réglementation. L’Etat prévoit, en effet, d’obliger les fabricants de meubles à se préoccuper de la fin de vie de leurs produits. L’Ademe a apporté une subvention de 700 000 euros à l’opération, soit environ 20 % des coûts investis. » Cette usine récupère les produits de toutes les marques du groupe Cauval, dont fait partie Dunlopillo. Mais de là à se présenter comme le premier fabricant à lancer un lit écoconçu, c’est gonflé. D’autant que l’affirmation s’appuie pour cela sur un logo, « Label Home Care », qui s’avère être une pure création du groupe Cauval, destinée à deux de ses marques (Dunlopillo et Simmons), et dont le cahier des charges n’est contrôlé par aucun organisme agréé. Un faux label, en somme, ce qui figure en haut de la liste des péchés du greenwashing. D’autant plus dommage qu’il existe un vrai label écolo pour les matelas, l’Ecolabel européen.

Verdict

L’Ademe a soutenu la création de l’usine de recyclage du groupe ? Elle aurait pu aussi lui faire lire – ainsi qu’à l’agence H – son guide anti-greenwashing. On y trouve en effet les signes qui permettent de le déceler. Pour cette campagne, on a coché : promesse disproportionnée, mots vagues, informations insuffisantes, faux label, fausse exclusivité… Maintenant, c’est sûr, on préfère l’ancien slogan. —


- L’avis de l’expert : 1/5

Mathieu Jahnich, expert en communication environnementale

« Tout y est. Des “ matériaux écoconçus issus du développement durable ” : difficile de faire plus vert ! Première usine “ au monde ” : difficile de faire plus innovant ! Dunlopillo fait “ du bien à la planète ” et s’autodécerne un label qui cumule la couleur verte, une ampoule et des petites feuilles. L’animation diffusée sur le site, au style bêtifiant, accumule les poncifs – “ une vraie idée ”, “ qui participe à la protection de la planète ”, etc. – sans apporter de précisions sur le bénéfice réel de l’innovation. Si l’on ajoute la tentative de vendre un “ matelas 100 % écoconçu ” qui n’est encore que dans les cartons, je crois que l’on atteint des sommets de manipulation et de greenwashing. »

- Le site de Sircome

- Le site de Dunlopillo