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Refaire de la chaîne alimentaire une chaîne humaine
jeudi, 28 février 2013 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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Connaissez-vous l’histoire du yaourt à la fraise, qui parcourt 9 115 km, de l’étable à notre table ? Et celle de la rose du Kenya, qui gratifie le lac Naivasha de quelques lampées de pesticides ? Avez-vous suivi le sachet de crevettes pêchées en mer du Nord, puis conditionnées au Maroc pour filer vers les restaurants de plage du nord de l’Europe ? Oui, certainement, vous les connaissez, ces histoires. Elles racontent notre époque, celle des splendeurs et misères de la mondialisation. Avouez, tout de même, qu’on ne vous avait pas encore fait le coup des lasagnes au cheval. Cette satire agro-financiaro-écologico-sanitaire démontre, une fois encore, que le parcours de nos aliments parle merveilleusement du monde tel qu’il va, ne va pas, ou pourrait aller mieux. La planète est devenue un terrain de jeu pour les spécialistes de l’optimisation des coûts, les professionnels de la logistique, les traders sur matières premières.

La division internationale du travail a enfanté des métiers insoupçonnables et fait le beurre d’intermédiaires en cascade. Mais il reste, aux deux extrémités, un goût plutôt amer. En amont, les producteurs se paient de queues de cerise. En aval, les consommateurs que nous sommes, maintenus dans un marketing agressif du prix le plus bas, ingérons des ersatz de nourriture. Les péripéties lasagno-chevalines auront peut-être pour vertu de nous rappeler que nous sommes les acteurs d’une chaîne alimentaire qui tourne à l’envers. Parce que nous leur avons demandé de remplir nos frigos à vil prix, nos agriculteurs se sont mués en techniciens, avec les conséquences que l’on sait pour la qualité des eaux et pour leur santé.

Triple passage en caisse

Loin de nous épargner, cette chaîne-là nous fait passer trois fois à la caisse. Une première fois au supermarché. Une deuxième fois par l’impôt qui finance les aides aux agriculteurs (1). Et une troisième, toujours par l’impôt, qui finance la dépollution des eaux gorgées de nitrates. Il ne tient qu’à nous de remettre cette chaîne à l’endroit. C’était l’idée de départ des coopératives de consommateurs de lait, au Japon, dont s’inspirent nos Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne). Elles-mêmes sont une initiative parmi tant d’autres, qui redonnent aux urbains le goût de la terre. Et aux agriculteurs, notre profond respect. —

(1) 70 euros par Européen dans le cadre de la politique agricole commune (p. 48)