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Origine de la viande : la solution est-elle dans le cochon ?
mercredi, 13 février 2013 / Alexandra Bogaert

D’abord du cheval dans les lasagnes. Maintenant du porc dans les boulettes au boeuf. L’Union européenne réfléchit à un étiquetage plus précis des aliments. Et devrait s’inspirer de la filière porcine française.

Un scandale de plus dans nos assiettes ? Après la viande de cheval, et peut-être même d’âne (si l’on en croit les révélations du quotidien britannique The Independent) retrouvée dans des plats tout préparés censés être au bœuf, c’est bien du porc qu’on aurait débusqué en grande quantité (30% !) dans des boulettes made in UK dont l’emballage mentionne « 100% pur bœuf ».

Ces mauvaises surprises se font certes aux dépens des chaînes de supermarchés qui commercialisent les produits (Picard, Aldi et Waitrose en Grande-Bretagne) et des marques comme Findus. Mais, dans cette histoire, les vrais dindons de la farce sont bien les consommateurs. Comment, dès lors, faire confiance lorsqu’on achète un produit carné, qu’il soit frais (pavé de bœuf ou rôti de porc par exemple) ou transformé (rillettes, sauce bolognaise, pâtés) ?

En France, une enquête est en cours pour déterminer la chaîne des responsabilités. Les résultats seront présentés jeudi matin aux ministres concernés. Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, doit se rendre mercredi en fin de journée à Bruxelles pour prendre part à une réunion de crise avec ses homologues des Etats membres concernés par le scandale de la viande de cheval. Tonio Borg, le commissaire européen en charge de la Santé et de la Politique des consommateurs, participera à la réunion. Il y sera notamment question de l’étiquetage des produits.

L’UE s’empare de la question de l’étiquetage

A ce jour, seule l’origine géographique des fruits et légumes, des poissons et de la viande de bœuf (héritage de la crise de la vache folle) doit être obligatoirement mentionnée sur les emballages. A partir du 13 décembre 2014, préciser l’origine du porc, du mouton, de l’agneau, de la chèvre et de la volaille, deviendra impératif au niveau européen. Mais on parle là des viandes fraîches. D’autres discussions sont en cours au niveau de la Commission européenne pour envisager l’étiquetage des produits transformés. La décision devait, à l’origine, attendre la fin d’année. Actualité oblige, le sujet devrait être abordé dès la rencontre de mercredi soir.

« La France va pousser pour que l’origine des viandes dans les produits transformés soit reconnue », a déclaré Stéphane Le Foll après une réunion de crise à Bercy, ce lundi. Il estime que « ce malheureux incident devrait permettre d’aller plus vite ». L’impatience est forte du côté de la FNSEA, principal syndicat agricole français qui s’insurge, dans un communiqué de presse contre la mollesse supposée de la Commission européenne sur le sujet. « D’après elle, il serait « prématuré » d’envisager de rendre obligatoire un étiquetage d’origine de la viande présente dans les produits transformés… il faudrait donc attendre un futur rapport d’un futur rapporteur pour une future décision ! Déconnectés, voilà le bon mot ! Face à l’urgence, face à la crise, face à la fraude, il faut réagir maintenant ! »

Que mettre sur les étiquettes ?

Mais il y a un premier point à trancher. Quel type de mention apposer en effet sur le conditionnement ? Les consciences s’écharpent. Faut-il indiquer l’Etat membre d’origine (là où l’animal est né, a été élevé puis abattu) ou se contenter d’une simple mention « provenance UE / hors UE » ? S’il s’agit d’un produit transformé, et que des viandes de plusieurs pays ont été mélangées, faut-il toutes les mentionner ? Ou seulement celle que l’on trouve en plus grande quantité ?

Les professionnels français de la viande optent pour un étiquetage par pays d’origine. Dans un entretien à L’Usine nouvelle, Dominique Langlois, président d’Interbev, l’association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes bovines et équines, précise que le but de cet étiquetage est double : donner plus d’informations au consommateur sur l’origine du produit et imposer aux entreprises de vérifier la conformité de ce qu’elles inscrivent sur les emballages avec ce qui est réellement vendu. Ce qui permettrait de limiter les fraudes.

Un cochon exemplaire

La filière porcine française a, elle, pris les devants. En décembre 2010, un accord interprofessionnel a été signé pour apposer le logo VPF (Viande porcine française) sur les viandes dont les animaux sont nés, ont été élevés, abattus et transformés en France.

Jean-Michel Serres, président de la Fédération nationale porcine, explique que « ce qu’il faut identifier et tracer, c’est l’origine du produit ». « Nous avons combattu la simple mention ’transformé en France’ car elle était trompeuse pour le consommateur, précise-t-il. La plupart du temps, la viande venait d’un autre pays. Non pas que le produit soit nécessairement mauvais s’il ne vient pas de France, mais le consommateur a le droit de savoir d’où vient ce qu’il achète. »

Ne serait-ce que parce que les modes d’élevage peuvent différer d’un pays à l’autre. Un exemple : si tous les porcs français sont végétariens, les porcs espagnols, eux, sont nourris aux graisses animales. Et acheter français, c’est aussi s’assurer que les porcs ont été abattus dans l’Hexagone par des personnes qui perçoivent un salaire décent. « Alors qu’en Allemagne, les employés des abattoirs sont des Polonais, des Ukrainiens, des Roumains payés au même tarif que dans leur pays d’origine », ajoute Jean-Michel Serres. Soit 5 euros de l’heure au lieu de 18 euros en France...

Mais la filière porcine s’expose ces temps-ci à des tensions internes. Alors que les éleveurs souhaitent que l’UE tranche pour un étiquetage mentionnant le pays d’origine, les charcutiers traiteurs, qui transforment la viande, préféreraient que la Commission européenne rende obligatoire la simple mention « viande de l’UE ». L’objectif ? Garder la possibilité, si bon leur semble, de mélanger, dans un même jambon blanc, des morceaux de cochons français et espagnols sans avoir à le mentionner. Un patchwork signe de l’intégration européenne mais pas forcément bien rassurant.


Astuce

Si l’origine de la viande n’est pas explicite sur le produit, il faut chercher sur l’emballage deux lettres suivies de cinq chiffres. Les deux lettres indiquent le produit de provenance (FR=France, DE=Allemagne, IT=Italie, etc.), les deux premiers chiffres font référence au département où la viande a été produite. Les trois suivants sont le numéro attribué à la ferme. Cela ne vaut que pour les produits carnés frais.