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Faut-il supprimer les pièces de 1 et 2 centimes d’euro ?
jeudi, 7 février 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Les petites pièces ont peu d’intérêt et sont beaucoup gaspillées. La France devrait-elle cesser d’en produire ?

Le penny canadien appartiendra bientôt à l’histoire. La banque centrale canadienne a cessé mercredi de fabriquer et distribuer les pièces d’un centime de dollar. Le penny pourra encore être utilisé mais va disparaître du marché peu à peu, à mesure que cette mitraille sera dépensée puis rapportée à la banque par les commerçants.

Jim Flaherty, ministre canadien des Finances, espère économiser 11 millions de dollars (8,5 millions d’euros) chaque année grâce à cette suppression. Tout simplement parce que fabriquer de la monnaie coûte cher, plus cher même que la valeur faciale des pièces. « La production de chaque pièce de 1 cent coûte 1,6 cent aux contribuables », a ainsi expliqué le ministre canadien. Par ailleurs, les petites coupures font perdre du temps aux commerçants. Et sont souvent perdues par les consommateurs, si bien qu’il faut chaque année en produire en grande quantité. Le Canada a donc signé l’arrêt de mort du penny. Désormais, les commerçants sont poussés à arrondir les tickets de caisse à cinq centimes près, selon un barème bien précis.

La petite pièce, vraiment pas durable

Et en France ? Ici aussi, la fabrication des espèces de un et deux centimes d’euro vaut son pesant d’or : entre 3 et 5 centimes, selon les estimations. (Inutile toutefois d’essayer de revendre vos pièces chez un ferrailleur, c’est interdit). Et, ici aussi, il faut en produire énormément. Pas moins de la moitié de la mitraille fabriquée et mise en circulation en France comme dans la zone euro depuis 2000 sont des pièces de 1 ou 2 centimes d’euros ! (1) La raison est simple : ici aussi, cette ferraille est bien peu durable. La preuve : seules 130 millions de pièces ont été rapportées en 2012 aux banques par les commerces, contre 637 millions fabriquées. Soit au moins 500 millions de pièces, ou plus d’un millier de tonnes de métal disparues dans les fonds de caisse, de tiroirs, des poches ou des égouts... Inversement, les pièces de valeur élevée restent longtemps dans le circuit économique, entre les porte-monnaie et les tiroirs-caisses.

N’en jetez plus ! Et posons la question qui fâche ? La France devrait-elle suivre l’exemple de la Finlande, du Canada, ou encore de la Nouvelle-Zélande, de la Suède, de la Norvège, d’Israël... ou même réitérer une expérience passée - l’Hexagone a déjà supprimé sa pièce d’un centime de franc en 1980 ? La Banque de France, qui distribue les pièces, et le Trésor Public, qui les commande, assurent ne pas s’être penchés sur la question. A la Monnaie de Paris, qui fabrique ces pièces pour l’État Français - et dont cette activité représente une grande part de l’activité - on s’insurge. « Dire que produire les petites pièces coûte cher, cela revient à dire qu’une soupe coûte cher parce qu’on a compté le coût de la soupe mais aussi le coût de la casserole », défend-on au service de communication. Qui menace : « la Banque centrale européenne a fait le calcul, supprimer ces pièces entraînerait une augmentation générale des prix de 17%. »

Pas de risque d’inflation

Pas de bol, la Banque centrale européenne nous assure pourtant exactement du contraire. Elle nous renvoie vers une question posée au Parlement européen en novembre 2004. Réponse : aucun risque d’inflation, si la méthode appliquée partout ailleurs est suivie. Soit les prix des produits restent fixés au centime près, mais l’addition est arrondie lors du passage en caisse selon des critères fixes (si le prix se termine par un 1, un 2, un 6 ou un 7 il est arrondi à l’inférieur, et il est arrondi au supérieur s’il se termine par 3, 4, 8 ou 9). Le seul risque serait une « inflation perçue » par les consommateurs, note la BCE, qui craint que les consommateurs ne se focalisent que sur les arrondis supérieurs. Et qu’ils aient alors le sentiment de ne pas avoir la monnaie de leur pièce.

(1) La mitraille de 1 et 2 centimes représente plus de 54% des pièces fabriquées et mises en circulation par la France depuis 2000 - soit 8 milliards de pièces - et 45% des pièces fabriquées et mises en circulation dans la zone euro depuis 2000 - soit 46 milliards de pièces.