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Xintang, « capitale mondiale du jean », souffre toujours de la pollution
lundi, 28 janvier 2013
/ Novethic / Le média expert du développement durable |
En 2010, Greenpeace avait dénoncé la pollution catastrophique des rivières de Xintang, en Chine. Deux ans plus tard, tout va bien pour les autorités, moins pour les associations. Reportage.
Dans la moiteur ambiante d’un air saturé de vapeur d’eau, d’innombrables fils d’un épais coton blanc défilent à toute vitesse, entraînés par des turbines sur une machinerie d’une trentaine de mètres de long. Au terme de ce parcours, le coton ressort teint en différentes variantes de bleu, de vert ou de violet. « Nous pouvons traiter 600 000 mètres de fil par jour, soit 17 millions de mètres par mois », assure fièrement M.Liu, directeur de cette teinturerie – la plus grande de la région –, en évitant machinalement les flaques d’eau bleue foncée qui parsèment un sol également souillé par la teinture. Une fois enroulé sur d’imposantes bobines, le coton teint par M.Liu sera envoyé dans des usines aux alentours qui se chargeront de le tisser, puis dans d’autres où il prendra la forme du produit qui a fait la renommée du lieu : le jean.
Il suffit d’arpenter les rues de Xintang, dans le bassin industriel du Guangdong (dans le sud de la Chine) pour comprendre que la ville n’a pas volé son surnom de « capitale mondiale du jean ». Toute la chaîne de production est regroupée dans cet espace urbain situé en périphérie de Canton. Au final, ce sont plus de 200 millions de jeans qui sont produits ici annuellement selon les estimations des autorités, pour le marché local et pour une soixantaine de marques internationales comme Calvin Klein, Levis, etc. Mais si elle a permis à la ville de se développer, cette industrie a également entraîné la pollution massive des cours d’eau qui y passent pour se jeter dans le fleuve Dong tout proche. En 2010, Greenpeace avait enquêté sur place et rapporté des photos choc – les rivières étaient d’un inquiétant bleu-noir – et des échantillons d’eau qui, après analyse, avaient révélé des teneurs anormalement élevées en métaux lourds (cadmium, chrome, mercure, plomb et cuivre), hautement polluants. Dans l’un des échantillons, la teneur en cadmium était 128 fois supérieure aux normes en vigueur...
Devant le tollé soulevé par le rapport de Greenpeace, le gouvernement local a promis en 2011 d’appliquer une politique de « tolérance zéro » envers les pollueurs. Près de deux ans plus tard, selon l’agence de presse gouvernementale Xinhua, tout est rentré dans l’ordre, notamment grâce aux 800 millions de yuans (97 millions d’euros) alloués au nettoyage des quatre rivières les plus touchées. Selon le reporter de l’agence, « la rivière a l’air propre » et « Xintang fait indéniablement des progrès dans la réduction de la pollution émise par les teintureries ».
Pourtant, sur place, peu de monde semble croire à l’efficacité de l’action gouvernementale. « On ne sait absolument pas ni quand ni comment les fonds annoncés ont été utilisés », peste Liu Lican, militant de Greenovation Hub, une ONG environnementale locale. Comme d’autres, le jeune homme déplore que depuis le passage de Greenpeace, aucune nouvelle donnée sur l’état de pollution des rivières n’ait été publiée. « Le gouvernement a sûrement des informations, mais elles sont inaccessibles, et nous-mêmes n’avons pas les moyens d’en produire. Or même à l’œil nu, on voit bien que le problème persiste. »
Deux ans après le rapport de Greenpeace, la situation est donc toujours préoccupante à Xintang, même si la ville ne semble pas connaître d’épidémie de maladie comme celles constatées dans les « villages du cancer » disséminés à travers le pays. Le gouvernement chinois a en tout cas fort à faire en matière de pollution de l’eau, puisque selon les chiffres officiels, 40% des rivières du pays sont « sérieusement polluées et impropres à la consommation ». Pire, de l’aveu même du ministère chinois des Ressources en eau, un cinquième d’entre-elles se classe dans la catégorie 5 (sur une échelle de 5), équivalent à une eau toxique « même au toucher ».
Cet article de Gaël Bernard a initialement été publié, le 21 janvier, par Novethic, le média expert du développement durable.
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