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A Trouville, Depardieu détruit une colline protégée pour construire sa villa
mercredi, 30 janvier 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

L’acteur fait construire actuellement une maison sur les hauteurs de Trouville-sur-Mer, en zone non constructible. Selon nos informations, le permis de construire n’aurait pas dû lui être attribué.

Mise à jour le 8 novembre 2013  : Le recours en annulation du permis de construire déposé par l’Association des amis de Trouville a été étudié ce jeudi 7 novembre par le tribunal administratif de Caen. Non seulement la villa de Gérard Depardieu se trouve dans une zone protégée, mais en plus le permis a été accordé au nom d’une SCI (société civile immobilière) qui n’existait pas encore à l’époque du dépôt de la demande de permis. Le tribunal doit rendre son jugement avant la fin du mois, indique 76actu.fr mais le rapporteur de la République a déjà fait valoir que la requête de l’association était trop tardive, indique de son côté le Pays d’auge.

Mise à jour le 7 février 2013 : A la suite de notre article, l’Association des amis de Trouville a réussi à réunir des fonds pour déposer un recours demandant l’annulation du permis de construire.


Trouville (Calvados), ses stars, son casino... et sa colline menacée par les projets immobiliers. Voilà le tableau dépeint par une association écologiste locale, les Amis de Trouville-sur-Mer, qui milite depuis des années contre l’urbanisation de la commune, victime de nombreuses inondations ces dernières années. Tant qu’en octobre dernier, ses militants se sont étranglés en voyant démarrer les travaux de la nouvelle villa de Gérard Depardieu, un projet de 250 m2 sur les hauteurs de la ville, à la croisée du chemin de Callenville et du chemin vert. (voir la carte ci-dessous ) :


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« Au départ, nous étions enthousiasmés par ce projet [1]. On nous a présenté un projet de très belle construction, avec un amphithéâtre, à partir d’un bâtiment existant. Nous étions ravis », se souvient Henri Luquet, président de l’association des Amis de Trouville-sur-Mer.

Intervention du préfet

« Quand les travaux ont commencé, on a découvert que les grues étaient en train de massacrer la colline. On pensait que la construction se ferait à flanc de colline, mais en fait ils en ont rasé une partie pour y poser la nouvelle maison. L’impact est énorme », déplore Henri Luquet, photos à l’appui :

Pour le militant, la nouvelle construction est illégale. En effet, le plan d’occupation des sols (POS) de cette zone (disponible à cette adresse), en vigueur au moment de la demande de permis, interdit toute nouvelle construction. Seuls « l’aménagement et l’extension des constructions existantes sont autorisés » dans ce secteur. Or, la seule construction existante possédée par Gérard Depardieu – la villa des Lierremont qu’il n’occupe plus pour des raisons personnelles – se trouve à plus de 500 mètres en contrebas.

Christian Cardon, maire de Trouville, assure lui que le permis de construire respecte la loi : « M. Depardieu nous avait d’abord demandé un permis de construire pour une nouvelle maison, relativement éloignée de la route (le chemin de Callenville, ndlr). Nous lui avons indiqué que ce n’était pas autorisé et qu’une construction n’est possible que si elle englobe un bâtiment existant. Il s’est alors adressé directement au préfet ([Christian Leyrit, aujourd’hui vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable]), qui lui a confirmé cette information. M. Depardieu a ensuite déposé un projet conforme, que nous avons accepté », assure le maire, tout en reconnaissant : « C’est la première fois que l’on suit les instructions du préfet dans ce genre de dossier. »

Une ruine prétexte à la construction ?

Stéphane Clément, responsable du service d’urbanisme de Trouville, précise : « Le nouveau bâtiment va en partie être construit à l’endroit où existait un bâtiment ancien, qui était un bâtiment agricole en ruine partiellement recouvert de végétation. » L’urbaniste reconnaît que d’importants travaux sont nécessaires – l’opération nécessite notamment de refaire la dalle du bâtiment – mais assure qu’« un mur de ce bâtiment en ruine devrait servir à la construction d’une partie du muret entourant la future villa, ainsi qu’à une partie du garage de la future villa ». « Cette association (les Amis de Trouville-sur-Mer, ndlr) est très conservatrice par nature. Il est vrai que le chantier est grand, mais la colline est préservée. La preuve, la maison d’Antoine de Caunes se trouve juste au-dessus et il ne s’est pas plaint du tout », argue le maire.

Le permis est-il légal ? De nombreux éléments laissent à penser que non, et que la municipalité aurait dû rejeter la demande de Gérard Depardieu. Sur Google Maps, on aperçoit effectivement l’ancien bâtiment agricole, recouvert de végétation, qui se trouvait là avant le chantier :


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Surtout, ce bâtiment figure en pointillé sur le cadastre de la commune, ce qui signifie qu’il a bien le statut de ruine :

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Or, au vu de la jurisprudence sur le sujet, une ruine ne peut être considérée comme une construction existante. Un cas très similaire a été traité par le Conseil d’Etat, le 13 mai 1992 (et d’autres sont consultables à cette adresse). Dans ce cas, le Conseil a considéré qu’il s’agissait d’une nouvelle construction et non d’un aménagement et a refusé le permis de construire. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l’urbanisme à Brest – qui n’a pas eu connaissance du permis déposé par Gérard Depardieu au moment où nous publions cet article – confirme : « Dans ces zones, on ne peut avoir d’extension du bâti que s’il y a un bâtiment existant, il ne faut donc pas que ce soit une ruine. Les communes et les déposants essayent souvent de faire passer des ruines pour un bâtiment existant abîmé et il faut alors juger sur place de l’état de la structure ». Dans ce cas précis, il s’agissait sans nul doute d’une ruine.

Le Code de l’urbanisme précise seulement que : « Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserve des dispositions de l’article L. 421-5, la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. » Ce qui n’est pas le cas ici, puisque les murs porteurs n’ont pas été préservés et ne présentent pas d’intérêt particulier.

La colline aux stars menace la commune

Faute de moyens, l’association des Amis de Trouville n’entend pas tenter de recours. Le chantier est déjà avancé, la villa de Gérard Depardieu va donc s’ajouter à celles de nombreux people installés dans la région et aux constructions qui se poursuivent sur les hauteurs de Trouville. Une urbanisation qui nuit à l’écoulement des eaux de pluie et favorise les inondations. La preuve ? Trouville-sur-Mer a subi pas moins de 12 inondations, coulées de boues ou mouvements de terrain classés comme catastrophes naturelles depuis 1984.

Dans une lettre envoyée à la presse locale et au site Reporterre, un riverain rappelle que les hauteurs de la ville étaient « le joyaux de Trouville », qu’elles « abritai(en)t alors une faune et une flore d’une richesse exceptionnelle » et que « (leur) nature champêtre venait dispenser ses bienfaits jusqu’au centre de la cité ». Et s’étonne de cette nouvelle construction : « Comment peut-on comprendre en effet que la municipalité ait accordé à Gérard Depardieu, acteur au talent gargantuesque déjà copropriétaire d’une spacieuse villa du vallon et grand dévoreur de terres de la Belgique à l’Oural, le permis de construire en un territoire fermier – qui conviendrait beaucoup mieux à un jeune producteur de légumes et fruits biologiques, ou de fromage cherchant à s’établir en Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr) aux portes de la ville – une immense et prétentieuse gentilhommière de deux étages qui restera probablement fermée la plupart du temps et colonisera durablement le paysage ? »


Mise à jour le 1 février 2013 : Contrairement à ce que nous écrivions dans une version précédente de cet article, le préfet en fonction au moment des faits était Christian Leyrit, et non Didier Lallement.


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