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Naissance et mort de l’empire d’Occident
jeudi, 31 janvier 2013 / Simon Barthélémy

« 1493 », de Charles C. Mann, Albin Michel, 536 p., 24 euros. « Fin de l’Occident, naissance du monde », de Hervé Kempf, Seuil, 156 p., 15 euros.

Pourquoi l’Occident a-t-il dominé le monde pendant cinq cents ans ? Et pourquoi cette ère s’achève-t-elle ? Ce sont les questions posées dans les ouvrages des journalistes Charles C. Mann et Hervé Kempf. S’appuyant sur les travaux d’historiens comme Kenneth Pomeranz, l’Américain et le Français font une lecture écologique (au sens scientifique) de ce fait : la colonisation de l’Amérique a bouleversé le monde. D’abord sa hiérarchie, dans laquelle le Vieux Continent ne pesait guère. Contrairement à Tenochtitlan et Cuzco, capitales des empires aztèque et inca, aucune ville européenne ne figurait en 1492 dans le « top 10 » des villes les plus peuplées au monde (Pékin, en Chine, et Vijayanagar, en Inde, menaient le bal avec plus de 500 000 habitants chacune). S’il n’avait mis fin à ses expéditions maritimes, l’empire du Milieu, première puissance économique et technologique de l’époque, aurait devancé Christophe Colomb. C’est donc l’Europe qui s’est appropriée l’Amérique. Le sous-sol (l’argent de Potosí, en Bolivie) et les terres du Nouveau Continent (consacrées à la culture du coton, du tabac ou de la canne à sucre) lui ont donné l’avantage commercial, puis des bras pour la Révolution industrielle.

Pour le pire… et le meilleur

Cette première mondialisation a chamboulé et homogénéisé tous les écosystèmes, ce que Charles C. Mann appelle l’ « homogénocène ». Pour le pire – les Indiens ont été moins décimés par les conquistadors que par la malaria ou la fièvre jaune – comme le meilleur : l’Amérique a découvert les chevaux et les bœufs, tandis que la patate douce et la pomme de terre, cultures amérindiennes, ont sauvé de la famine des millions d’Asiatiques et d’Européens.Formidable galerie de scènes et de portraits, le livre de l’Américain s’égare parfois dans les détails. Surtout, il lui manque la profondeur politique d’un Jared Diamond, autre adepte de l’histoire totale.

Sobriété des plus riches

Depuis quelques essais – Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007) –, Hervé Kempf tente, lui, d’offrir une perspective. Avec le retour au premier plan des pays émergents et la crise de l’Occident se conjuguent « deux phénomènes historiques majeurs : la convergence des conditions d’existence et l’atteinte des limites de la biosphère ». Dans sa conclusion, Charles C. Mann n’interroge pas la légitimité de chacun à consommer comme il l’entend, mais Hervé Kempf pose cette question vitale : « Quel est le niveau de consommation matérielle adéquat si l’on veut assurer le bien-être de 9 milliards d’humains sans déclencher des désastres écologiques incontrôlables ? » Les réponses sont connues et « réalistes », selon lui : sobriété des plus riches, maîtrise de la finance, agroécologie, et démocratie généralisée pour passer de l’« anthropocène » à la « biocène ». —


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