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J’ai testé la dégustation des insectes
jeudi, 31 janvier 2013
/ Laure Noualhat / Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet. |
A mon corps défendant, j’ai croqué du grillon. En me pinçant le nez et en fermant les yeux. Mais la carapace qui craque sous la dent et le petit arrière-goût de cacahuète grillée m’ont presque convaincue de devenir insectivore. Presque.
Ah ben ça, je n’allais pas y couper… Le test à bouffer des insectes ! Comme la vie des rédacteurs en chef consiste à lire des confrères, beaucoup de confrères, quand ils contractent le virus du copiage, voilà notre paysage informationnel enfumé d’une même bouffée délirante. En l’occurrence, ça donne ça : « Demain, on va tous bouffer des insectes ! » Et c’est à Bibi de s’y coller.
Oui, alors, bon. Autant vous le dire : plutôt crever. Non pas parce que c’est moche, piquant, « mille-pâteux » ou « lombricaire ». Mais parce que ça commence à bien faire ! On bouffe déjà tous les trucs plus ou moins vivants sur cette foutue planète. On déterre du lièvre, cultive de la vache, tire du sanglier, emmure de la poule. On suce la moelle des os, racle de la cervelle, travaille du cœur et de la bite. Dans les océans, qu’on pillera jusqu’au dernier banc de krill, on bouffe les yeux et le sperme des poissons, on y ratisse toute la vie, y compris celle dont on ne se délecte pas. Bref, nous sommes les seuls porcs non comestibles de cette planète. Et surprise ! Il faudrait rempiler avec des machins à antennes et sang froid ?
Sous prétexte que trois milliards d’êtres humains sur Terre en ont fait leur principale source de protéines, on devrait se lancer, en France, dans l’élevage de vers, grillons, criquets, et j’en passe ? Et pour qu’on accepte de les gober, on devrait les transformer en pâte goûteuse au « goût de noisette » ? Mais si on veut tant de goût de noisette, qu’on bouffe des noisettes, merde ! Bon, ceci étant dit, une fois l’énervement passé, il a bien fallu faire le taf. Commande fut donc prise chez Micronutris (1), une petite société toulousaine qui a arpenté pas mal de plateaux télé avec ses vers de farine et ses chocolats aux grillons. J’ai voulu en refourguer sans moufter au cours d’un dîner, mais j’ai manqué de courage. Aucun de mes amis ne mérite ça.