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Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance
jeudi, 31 janvier 2013
/ Corinne Moutout / Tout au long de l’année 2013, vous retrouverez dans les pages de « Terra eco » les rencontres de Corinne Moutout, qui s’est lancée, en famille, dans un tour du monde journalistique. Elle entend témoigner de quelques-unes des milliers d’initiatives qui émergent et qui contribuent, chaque jour, à construire un monde durable. Ce périple l’emmènera dans pas moins de onze pays. Première étape : le Sénégal. Retrouvez aussi ces reportages dans l’émission « C’est pas du vent », sur l’antenne de RFI : www.rfi.fr/emission/cest-pas-vent |
Dans l’est du pays, 4 000 villageoises conçoivent des cosmétiques bios à base de karité et de baobab et redonnent vie à des savoir-faire ancestraux. En redécouvrant la biodiversité locale, elles ont accédé à l’autonomie financière.
Mame Khary Diene a le rire sonore. Ce matin-là, déclenché par l’accueil tout en chants et en danses que lui ont réservé les femmes de Bandafassi, il est tonitruant. Oubliée, la fatigue des quatorze heures de route de la veille, de Dakar à ce petit village du Sénégal oriental, où elle est venue présenter celle qui l’a tenue éloignée des employées de son entreprise de cosmétiques bios : Aminata, une jolie poupée de 14 mois. Et si les 40 cueilleuses des fruits du karité et du baobab enchantent les oreilles de la bambine des rythmes bédiks (du nom de leur ethnie), c’est pour mieux honorer sa mère, qui, en sept ans, a radicalement changé leurs vies. Mais avant de transformer la condition des 4 000 femmes travaillant pour les laboratoires Bioessence, Mame Khary Diene, âgée d’à peine 34 ans, a tout d’abord dû bouleverser sa propre existence.
Mame Khary Diene aime à se souvenir des débuts du projet. Dans cette partie du pays, les femmes collectaient le karité – dont elle a décidé de faire le produit-phare de sa toute première gamme de soins de beauté –, mais, ne disposant que d’un petit marché local pour l’écouler, ne transformaient pas ses noix. Pour améliorer leurs revenus, elles bradaient aussi les fruits du baobab, porteurs d’une poudre dont les habitants extraient un jus artisanal, abondamment consommé.
La jeune Sénégalaise prend connaissance d’études scientifiques qui démontrent la présence de vitamine E et d’antioxydants, dont des omégas 3 et 9, à des taux équivalents à ceux de la rose musquée (très utilisée dans la conception de cosmétiques). Mame Khary Diene propose alors aux femmes d’utiliser non seulement la poudre dont elle entend faire un nutriment, mais aussi les noyaux, jusque-là jetés, en vue de la production d’huile de baobab comme soin de beauté. « En les rendant maîtresses de la transformation initiale des fruits collectés, j’ai augmenté leur pouvoir d’achat de 450 % !, s’enorgueillit-elle. Pour ne rien gâcher, les graines de baobab, impropres à la pression à froid, deviennent un excellent tourteau pour le bétail, tandis qu’en décortiquant les noix de karité, elles peuvent utiliser les coques comme combustible naturel. »
Valorisation des noyaux de fruits auparavant jetés
Quand les cosmétiques bios font boom
En France, plusieurs labels certifient les produits de soin écologiques et biologiques, notamment Ecocert et Cosmébio. Selon une étude du second, le marché représentait, en 2010, 336 millions d’euros (soit 3 % du secteur global des cosmétiques). Celui-ci est en constante augmentation et les prévisions de croissance dans les cinq prochaines années sont de 10 % à 12 % ! Aujourd’hui, la France est le pays dans lequel ce marché progresse le plus. —
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