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La parabole de la morue
jeudi, 31 janvier 2013 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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Vous avez peut-être déjà tenté cette expérience : demander à un restaurateur d’où vient tel carré de viande ou telle portion de poisson. Souvenir d’une scène bretonne : « Madame, d’où vient l’espadon qui est au menu ce midi ? » Piquée au vif, la restauratrice lâche : « Il vient de la mer, monsieur. » Bien joué, mais je repose la question. Réponse agacée : « Tous les espadons viennent de l’Atlantique, monsieur. » Celui qui était servi ce jour-là, peut-être, mais tous les espadons, certainement pas (après vérification). Si l’on suit la parabole des terre-neuvas et de la morue, on saisit à quel point la pêche est au carrefour des enjeux du moment. Cette activité économique dépend directement de la ressource. Mais si l’on ne fait rien, la mer pourrait se vider de poissons avant 2050. Pourtant, des solutions très concrètes se font jour. L’histoire des bulotiers de Granville démontre ainsi plusieurs petites choses.

Tout d’abord, les professionnels ont souvent bien conscience, et avant tout le monde, de la fragilité de la ressource qui les fait vivre. Ensuite, ils posent une question simple, celle de la transition économique et sociale qu’appelle, pour un monde artisanal doté de peu de moyens, la transition écologique. « Vous, la société civile, ne supportez plus que telle ressource soit surexploitée. C’est entendu, pourraient-ils nous dire. Mais moi, je ne suis pas coupable d’avoir vécu de mon métier pendant toutes ces années. Aujourd’hui qu’il faut trouver une alternative, que faisons-nous ensemble ? » Ensemble ? Bien sûr, en bout de chaîne, nous, les consommateurs, avons un rôle à jouer. Faut-il se rendre au marché avec le guide des espèces protégées en poche ? Apprendre par cœur les planches Deyrolle de la biodiversité ? Sans aller jusque-là, nous pouvons donner une chance aux initiatives qui poussent, ne serait-ce qu’en privilégiant le poisson labélisé.

L’histoire des petits poissons

Enfin, les médias doivent jouer leur rôle. Expliquer. Ne pas se contenter de dénoncer. Proposer des solutions. Cela suppose d’inverser les schémas de pensée. On peut continuer de placer à la une des journaux télévisés le énième fait divers sordide, la dernière chute de neige sur le périphérique parisien. On peut assommer les téléspectateurs avec les tribulations fiscales d’un gros poisson du cinéma français, Gérard Depardieu. Plutôt que ce grand cirque, on peut aussi tenter, une fois encore, de raconter l’histoire des petits poissons, de notre planète comme elle va, ou ne va pas. Et de nos vies, qui vont avec. —