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J’ai testé le bilan carbone et pris une douche froide
vendredi, 18 janvier 2013 / Alexandra Bogaert

J’ai réalisé gratuitement le bilan carbone de mon foyer, avec un coach en ligne. Instructif mais glaçant : moi qui pensais être plutôt bien notée, je me retrouve confrontée à des dépenses énergétiques insoupçonnées.

J’essaie d’être une citoyenne responsable : je ne laisse pas mes appareils électriques en veille, je les éteins. Je coupe l’eau du robinet quand je me lave les dents ou les mains. Je prends des douches, pas des bains. Chez moi, il fait 19 à 20 °C, enfin je crois. Je n’achète que ponctuellement des aliments transformés, préférant cuisiner moi-même mes repas, et j’aime me balader à pied. Mais bon, j’aime aussi les vacances. Et j’ai souvent besoin de l’avion pour y aller.

C’est avec ces quelques éléments de base en tête que je me décide à faire l’évaluation du bilan carbone de mon foyer, composé de deux personnes plutôt raisonnables dans leur consommation d’énergie, me semble-t-il.

La France a pris l’engagement de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (c’est ce qu’on appelle le Facteur 4). Ce qui implique que les citoyens s’y mettent, sans trop trainer.

Atteindre le Facteur 4 à la maison ? C’est jouable

La moyenne nationale d’émission de gaz à effet de serre par an et par foyer est de 10,6 tonnes équivalent CO2. L’objectif du Facteur 4 à atteindre d’ici une trentaine d’années est de 2,6 tonnes équivalent CO2. Je pense que mon ménage se situe quelque part entre les deux.

C’est donc plutôt confiante que, comme un peu plus de 29 200 ménages à ce jour, je me rends sur coachcarbone.org, élaboré par l’Ademe et la Fondation pour la nature et l’homme à destination des particuliers mais aussi des entreprises, collectivités et établissements publics. Lancé en octobre 2010, le site entièrement gratuit vient d’être complètement rénové.

En plus de calculer assez précisément sa dépense énergétique, il prodigue aussi des conseils afin de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre en matière d’habitat, de transport, d’équipement ou d’alimentation. Après un an de mise en service, il aurait déjà théoriquement permis d’économiser 14 500 tonnes de CO2. C’est bon pour la planète, et les économies sur les factures peuvent être conséquentes.

Péché de confiance...

Le site indique que la réalisation du bilan prend une heure. Je découvre assez vite qu’il m’en faudra plus, le temps notamment d’aller rechercher quelques-unes des informations demandées. Mais le bilan peut être réalisé en plusieurs connexions, ouf.

J’ouvre un compte. Un coach animé se propose de m’accompagner dans la réalisation de mon bilan. Gadget inutile – mais plutôt rigolo – je peux choisir son sexe, la couleur de sa peau, de ses vêtements et de ses cheveux. Je peux même choisir sa coupe. Pour moi, ce sera donc un blondinet bronzé, avec un look de surfeur à chemise rose.

Je choisis de débuter la réalisation du bilan carbone de mon foyer par les transports. Lesquels utilise-t-on ? Combien de fois par semaine, pour aller au travail ? Par an, pour accéder aux loisirs et partir en vacances ? Pour quel temps de trajet ? Je fais les évaluations au doigt mouillé. Chez moi, au quotidien, on marche et on prend les transports en commun. Et les trajets varient d’un jour à l’autre. Mais on part en vacances en avion, deux fois par an en moyenne. Les trajets n’excèdent toutefois pas trois heures, généralement. Aussi peu fréquents soient-ils, ces voyages aériens sont, de très loin, les premiers responsables des émissions de GES. Ils représentent 90 % de nos émissions en transport ! Et me voilà coresponsable de 2,84 tonnes de CO2 par an, pour une moyenne nationale de 3,2 tonnes alors que je n’ai pas de voiture ! Une première douche froide...

De douche froide en déconvenue

De douche il est d’ailleurs également question quand, dans la section Habitat, on me demande d’évaluer ma gestion de l’eau, entre « rigoureuse », « normale » ou « laxiste ». Sans hésiter, je coche la première option. Mais je me lave tous les jours. Je ne devrais peut-être pas (voir Je ne prends pas de douche tous les jours, je suis « crado » ?). Et je ne devrais peut-être pas non plus laisser parfois le jet couler quand je me lave les cheveux... Aïe ! Bon promis, à partir de maintenant, je deviens vraiment « rigoureuse ». Et estime donc légitime de maintenir la croix dans la case.

La situation se corse quand il s’agit de définir quel tantième l’appartement que j’occupe représente par rapport à l’ensemble de l’immeuble. Puis comment le bâtiment, qui date des années 70, est isolé par le toit et en façade. Quel est le type précis de chauffage et l’énergie qu’il utilise, quel système d’aération est en place, etc. Je découvre à cette occasion qu’il existe environ huit types de VMC différents. Sans que je sache toujours bien faire la différence entre l’une et l’autre.

L’habitat, gouffre énergétique

Avoir à portée de main le contrat de location, et le bilan énergétique réalisé à l’entrée des lieux n’est pas inutile. J’y relis d’ailleurs que mon logement est censé avoir une consommation énergétique réelle de 242 kWhep/m2/an soit 56,7 kg équivalent CO2/m2 par an. D’après mes déclarations, le coach carbone évalue ma consommation énergétique à 387kWhep/m2 par an. Hum...

Résultat : alors que la moyenne nationale est de 2,9 tonnes Co2/an, mon logement en rejette dans l’atmosphère 3,41. Je m’attendais à ce que ce poste soit l’un des plus gourmands en énergie car « le secteur du bâtiment représente 40% des consommations d’énergies en France, et près de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le chauffage et l’eau chaude représentent environ 600 euros par personne et par an », précise le site. Mais pas à ce point là.

Pas un domaine pour sauver l’autre...

Bon, je garde espoir : je vais me rattraper sur les équipements. Je l’ai déjà dit, tous les appareils électriques (télé, modem, etc.) sont éteints quand ils ne sont pas utilisés. Sauf le radio-réveil, j’admets. « Une famille bien équipée en audiovisuel peut consommer de moins de 100 à plus de 800 kWh/an, uniquement pour les appareils en veille », précise mon coach. Un bon point pour moi, donc.

Certes, il y a dans ma cuisine un combiné réfrigérateur/congélateur, un lave vaisselle, un lave linge et même un sèche linge (pour éviter de pousser le chauffage à fond afin que le linge sèche, logique !). Mais tous ont été choisis de classe A ou A +, signifiant qu’ils sont censés rejeter le moins de CO2 possible. Mais ça, le coach ne me demande pas de le préciser.

Alors je me prends une nouvelle claque : mes équipements émettent 1,37 t de CO2/an contre 1,14 au niveau national. Mon coach m’explique pourquoi : « Les équipements consommateurs d’énergie ont différentes sources d’émissions ; bien sûr pendant leur phase d’usage, mais leur fabrication nécessite beaucoup d’énergie. C’est également le cas lors de leur élimination en fin de vie. […] Par conséquent, la consommation d’énergie imputée à la fabrication et à l’élimination sont plus importantes en moyenne que pendant la phase d’usage. »

Je désespère à peine moins quand je réalise que mon poste Alimentation est tout aussi gourmand en énergie, alors même que j’y vais mollo sur la viande rouge et bannis les protéines animales deux à trois fois par semaine. Malgré cela, mes émissions de GES liées à la manière dont je me nourris s’élèvent à 3,03 tonnes de CO2/an contre 3,2 t au niveau national.

Des remèdes a priori si simples

Résultat des courses : avec un bilan carbone estimé à 10,7 tonnes de CO2 par an, mon foyer se situe au-dessus des émissions nationales de CO2 (10,6 tonnes) !

Capture d’écran du site

Pour y remédier, mon coach me donne des conseils simples : en installant chez moi du double vitrage, des robinets thermostatiques sur mes chauffages, et une VMC hydrogérable, je pourrais économiser 335 euros sur ma facture énergétique dès la première année, et réduire mes émissions de 0,52 tonnes de Co2/an. Mais je suis locataire. Donc soit je paie ces travaux de ma poche, soit je clique sur l’onglet me permettant d’envoyer un courrier type à mon propriétaire, et lui présentant les bénéfices immenses qu’il tirerait de la réalisation de ces travaux. Et je croise les doigts. A vrai dire, je me tâte encore...

Sinon, je dois marcher davantage, acheter local, manger moins de viande, faire du tourisme moins loin, changer toutes mes ampoules pour diminuer leur consommation, etc. Des gestes très simples qui me permettraient de réduire la totalité de mes émissions à 8,6 tonnes de Co2 par an. Ce qui demeure bien loin des objectifs du Facteur 4...


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