https://www.terraeco.net/spip.php?article47756
Qui veut la peau de Baby et Népal, les éléphants défendus par Brigitte Bardot ?
lundi, 7 janvier 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Pourquoi le zoo du Parc de la Tête-d’Or, à Lyon, veut-il euthanasier des pachydermes ? Y-a-t-il des alternatives ? « Terra eco » fait le point.

Mise à jour le 9 janvier 2013 : François Hollande a rejeté la demande de grâce présidentielle déposée par le cirque Pinder, annonce mardi l’agence Reuters. « Il revient donc maintenant au Conseil d’Etat de se prononcer sur votre pourvoi en cassation », a précisé l’Elysée dans un courrier adressé mardi à Gérard Edelstein, patron du cirque Pinder.

« J’en ai plein le c… Ras-le-bol ! Je ne supporte plus ce pays. Depuis Sarkozy et ses promesses non tenues, personne ne répond à mes requêtes. Cela me met dans une douleur et une rage folle de voir cette impuissance. Je ne demande rien d’extraordinaire : une RÉ-PON-SE pour sauver ces animaux ! ». La nouvelle sortie publique, rocambolesque, de Brigitte Bardot a fait grand bruit. L’actrice française menace tout simplement d’imiter Gérard Depardieu et de s’exiler en Russie parce Baby et Népal, deux éléphants du Parc de la Tête-d’Or, à Lyon, pourraient être euthanasiés. Pourquoi ? Comment ? Par qui ? Loin du concert de petites phrases, Terra eco retrace pour vous le fil de cette affaire.

Le germe de la tuberculose

Baby et Népal sont deux pachydermes de 40 ans passés. Un bel âge pour un éléphant, même si certains d’entre eux vivent jusqu’à 60 ans. Ils appartiennent au cirque Pinder qui, faute de place, les prête au Parc de la Tête-d’Or de Lyon depuis 1999.

Ceux-ci ont mâché le fourrage du zoo du centre-ville lyonnais jusqu’en août 2010, quand les services vétérinaires du parc les soupçonnent d’être porteurs du germe de la forme humaine de la tuberculose. « Une maladie assez fréquente chez les pachydermes mais potentiellement contagieuse pour l’homme », explique Jean Hars, vétérinaire spécialiste des maladies de la faune sauvage. Depuis, les soigneurs du zoo n’approchent plus Baby et Népal qu’avec des masques.

En janvier 2011, des tests réalisés par le parc confirment les suspicions et les animaux sont soustraits à la présentation du public. C’est le début du conflit. Le Parc de la Tête-d’Or demande alors au propriétaire des animaux – et du cirque Pinder –, Gérard Edelstein, de récupérer ses animaux. Ce qu’il refuse de faire. « La convention de prêt stipule qu’il fallait me laisser un an pour me retourner avant de récupérer les animaux. Par ailleurs, j’ai prêté ces animaux en bonne santé et je souhaite les récupérer en aussi bonne santé », argue l’homme, joint ce lundi par téléphone.

Les visiteurs menacés de contamination ?

L’affaire s’embourbe jusqu’au décès, en décembre 2012, d’un autre éléphant pensionnaire du zoo, appelé Java. L’autopsie révèle que l’éléphante était, elle aussi, porteuse du germe. Très vite, le 11 décembre, le préfet du Rhône dépose un arrêté ordonnant l’euthanasie de Baby et Népal sous trente jours. « Il est de la responsabilité sanitaire du préfet de ne pas laisser des animaux malades et contaminants en plein centre-ville », détaille la préfecture du Rhône, jointe également ce lundi.

Une première date est fixée pour l’euthanasie : le 17 décembre. « Un scandale », selon Gérard Edelstein, le virulent pédégé du cirque Pinder. Celui assure que les test effectués en 2010 sont tronqués et demande à ce que de nouveaux examens soient réalisés, ce que le zoo a refusé. Le dirigeant estime que le zoo « cherche à se débarrasser de ces animaux », faute de place et devant le coût élevé demandé par la gestion des bêtes. Il demande, le 14 décembre, une grâce présidentielle à François Hollande et dépose un recours au tribunal administratif. L’euthanasie est repoussée, mais le recours est refusé, le 21 décembre. Le cirque Pinder se pourvoit alors en cassation, dernier recours possible dans la justice française. La préfecture annonce ce lundi repousser l’euthanasie, dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat, « si celle-ci intervient dans un temps raisonnable », sans préciser ce qu’elle juge « raisonnable ».

Des animaux impossibles à soigner ?

La Cour a désormais la pachydermique tâche de trancher entre trois vues inconciliables. D’un côté, le cirque Pinder avance que les tests sont tronqués. Il assure aussi – citant des précédents aux Etats-Unis – qu’il est de toute façon possible de soigner ces animaux. Contre l’euthanasie, il rappelle aussi que ces animaux sont protégés par la Convention de Washington et qu’un éléphant dressé coûte 300 000 euros en moyenne. Il souhaiterait récupérer les éléphants, après des soins, pour les héberger dans un futur parc, appelé Pinderland, qui pourrait être achevé en décembre 2013.

Une idée que ne partagent pas la plupart des vétérinaires de zoo français : « On pourrait essayer de soigner l’animal pour qu’il ne soit plus contaminant. Mais c’est une procédure qui prend plusieurs mois et qui risque de contaminer les soignants ou d’autres animaux. Il n’y a pas de place pour la sensiblerie sur ces questions, il faut réfléchir en professionnel de la santé, c’est-à-dire prendre en compte la santé humaine et réfléchir à long terme à l’échelle d’une population d’animaux », défend Thierry Petit, vétérinaire au zoo de la Palmyre, en Charente-Maritime. Selon lui, l’euthanasie a déjà été pratiquée sur au moins un éléphant atteint de tuberculose en France, et sur de nombreux perroquets.

La Fondation Brigitte Bardot et l’association Dignité animale défendent, elles, une troisième voie : « Ni euthanasie ni retour au cirque ». Elles reprochent au cirque Pinder de ne pas soigner ses bêtes, s’insurgent contre l’idée d’euthanasier les deux pachydermes et propose de les placer dans « un sanctuaire » pour éviter la contamination. Même si cette solution serait une première, au moins en France. Le Conseil d’Etat devrait rendre sa décision d’ici à la fin du mois de janvier.