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La France ployée en quatre
jeudi, 20 décembre 2012 / Simon Barthélémy

La Crise qui vient de Laurent Davezies, Le Seuil, 128 pages, 11,80 euros.

C’est un miroir que Laurent Davezies tend à la France, et son reflet est inquiétant. « La crise qui vient », annoncée par le professeur au Conservatoire national supérieur des arts et métiers, c’est celle de la rupture de l’égalité entre les territoires de la République. Cerné par la désindustrialisation, l’énergie chère, la fin du modèle de consommation par l’endettement et l’« assèchement des finances publiques », le pays va voir se creuser les « nouvelles fractures » entre « quatre France ». La première est productive, marchande et dynamique. C’est celle des métropoles, celle qui concentre 36 % de la population. La deuxième (44 %) est non productive et non marchande, mais dynamique, notamment grâce au tourisme et aux retraités, au sud d’une ligne Cherbourg-Nice. Les deux dernières sont en souffrance. L’une est encore productive et marchande, mais « composée de bassins industriels déprimés, principalement dans le nord du pays, dont le déclin semble difficile à enrayer ». L’autre, non productive et non marchande, représente 12 % des Français, essentiellement du nord-est du pays, dépendant des injections de revenus sociaux. Or, la réduction des déficits publics va empêcher la France de s’en remettre à ses traditionnels « amortisseurs sociaux » : redistribution des aides vers les régions pauvres et développement de l’emploi public.

Matière grise de demain

Pour l’auteur, le « redressement productif » de la France ne passera pas par là, mais par les métropoles, où « se concentrent les facteurs immatériaux cruciaux de l’économie de demain », au premier rang desquels la matière grise. Faut-il pour autant abandonner les territoires en difficulté à leur sort ? Laurent Davezies n’avance pas de réelle alternative : c’est la limite de l’ouvrage, passionnant par ailleurs.

Dogme de l’austérité

Il met toutefois en garde contre la « montée des populismes » dans les régions déstabilisées. Un paragraphe est ainsi consacré à la question du vote Front national dans les territoires périurbains ruraux. Coïncidence douloureuse : le livre est paru en plein débat sur l’avenir des hauts-fourneaux de Florange (Moselle), peu avant que Paris ne se range à la volonté de Mittal de les fermer. Mais, bien dans la lignée sociale-démocrate et libérale de la collection « La République des idées », chez qui il est publié, l’ouvrage n’interroge ni la (dé)mondialisation, ni le dogme de l’austérité. Il nous permet de comprendre « la crise qui vient », mais sans doute pas d’y faire face. —


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