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L’agriculture est plombée par le prix du pétrole, voici des solutions
vendredi, 23 novembre 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Être agriculteur en France coûte de plus en plus cher, à cause des factures d’énergie. Il faut repenser la manière de produire, en commençant par se réconcilier avec la prairie.

« Une agriculture qui dépend du pétrole est une agriculture qui va dans le mur », prédisait il y a deux ans Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.

Un rapport publié ce jeudi lui donne entièrement raison. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) y tire le signal d’alarme en montrant que l’agriculture française consomme toujours plus d’énergie, que ce soit sous la forme d’électricité ou de fuel, ou encore sous la forme d’engrais et de nourriture importés. Et – puisque le prix de l’énergie ne cesse lui aussi de grimper – les budgets des agriculteurs s’en ressentent.

« Le montant total des charges liées à l’énergie a augmenté de 130% entre 1990 et 2009 » s’inquiète l’Agence, ce graphique à l’appui :

Pire, la hausse à venir du prix de l’énergie devrait aggraver toujours plus la dépendance des agriculteurs. L’Ademe a simulé les conséquences d’une hausse du prix du baril de pétrole qui s’équilibrerait à 150 euros en 2015, un scénario pas vraiment pessimiste. Les exploitations pourraient alors dépenser 28 euros pour produire 1000 litres de lait, contre 17 en 2006. Les exploitations d’horticulture devraient elles dépenser 5500 euros par hectare, contre 3200 en 2006.

N’en jetez plus ! Regardons plutôt du côté de l’alternative. A Corlay, dans les Côtes d’Armor, une bande d’irréductibles a commencé à faire un pas de côté depuis les années 1980. Ils ont formé le Cedapa (Centre d’étude pour un développement agricole plus autonome) et tentent depuis de montrer qu’une agriculture moins consommatrice d’énergie est possible. La hausse actuelle des prix leur donne plus que jamais raison. Voici leurs solutions, résumées par David Falaise, spécialiste des diagnostics énergétiques du Réseau Agriculture durable avec l’exemple d’un élevage bovin.

1) La prairie plutôt que le maïs

Dans le système traditionnel, les éleveurs produisent du maïs qu’ils donnent à leurs bêtes. Dans le système du Cedapa, la prairie remplace le champ de maïs. Les animaux sont nourris le plus possible au pâturage. Parce que laisser les vaches brouter l’herbe coûte moins cher et nécessite beaucoup moins d’énergie que semer, récolter et transporter le maïs jusqu’aux bêtes. Cerise sur le troupeau, la prairie fixe plus de carbone qu’un champ de maïs.

2) Le trèfle plutôt que le soja

« Le maïs donné traditionnellement aux vaches en France est certes plein d’énergie, mails il ne suffit pas à leur équilibre alimentaire et doit être complété avec des tourteaux de soja ou de colza importés », explique David Falaise. Des produits dont le prix varie beaucoup en fonction de celui du pétrole. A l’inverse, les meilleurs compléments d’un régime alimentaire à l’herbe sont le trèfle ou la luzerne, que l’agriculteur peut produire sur son exploitation. Ces plantes dites légumineuses sont une source de protéines pour le troupeau.

3) La fin de l’engrais

La vache qui se nourrit de la prairie le lui rend bien : les déjections épandues par les animaux suffisent à fertiliser le sol. Inutile d’ajouter des intrants. La luzerne et le trèfle confèrent quant à elles de l’azote au sol, un élément nutritif. L’agriculteur pourra donc cultiver ce sol sans utiliser d’azote chimique pour la récolte suivante. Il évite ainsi l’achat d’engrais qui coûtent très cher, sont produits à base de pétrole et dont le processus de production nécessite beaucoup d’énergie et émet beaucoup de C02. L’idéal ? Mettre en place un système de rotation des cultures pour permettre au sol de se renouveler et limiter encore plus l’utilisation d’intrants.

Bilan : Le lait est meilleur, l’agriculteur s’enrichit

L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a prouvé que le lait produit en système fourrager contient plus d’omega 3 et d’omega 6 que le lait classique. Le lait est donc de meilleure qualité. L’agriculteur est, lui, moins soumis aux fluctuations des prix de l’énergie. Selon les estimations du Cedapa, il peut réduire sa consommation d’engrais de 80% et sa consommation d’énergie de 30% à 50% mais aussi ses achats de nourriture de 50%. Si bien que les exploitations qui suivent ce cahier des charges sont certes plus petites et moins productrices, mais ont beaucoup moins de charges et sont même plus rentables. Une étude de comparaison a été menée en 2010 sur des élevages laitiers. Le résultat courant s’élevait à 506 euros par hectare pour les fermes en système herbager, contre 397 euros par hectare en moyenne nationale soit une différence de 27%.

Ce système a donc fait ses preuves, mais aussi des émules. Il est devenu un cahier des charges reconnu à l’échelle européenne appelé « système fourrager économe en intrants » et a été mis en place dans plus d’un millier d’exploitations, principalement dans l’Ouest de la France.


Pour aller plus loin :

- L’ Entretien de Bastamag avec André Pochon, pionnier de cette méthode


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