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Au Chênelet, racines sociales et branches rentables
lundi, 29 octobre 2012
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
La santé économique garante de l’insertion des salariés précaires : un credo logique pour une boîte atypique.
Dans sa vie d’avant, il creusait des tunnels. Sous la Manche, sous Lyon, sous Copenhague. Dans son existence d’aujourd’hui, il construit des maisons. En terre-paille, en argile, en bois. D’hier à aujourd’hui, il a divisé par 3,5 son salaire mais gonflé son existence d’un souffle de sens. « A l’époque, avec ma femme, on menait une vie de petits-bourgeois. J’avais une sensation de lourdeur. » Sous l’immense charpente de la cantine, Pierre Gaudin conte son métier de responsable de construction au Chênelet, une des multiples branches de cet arbre enraciné dans le Pas-de-Calais. Des histoires comme la sienne, il y en a d’autres ici : Caroline Farhi, diplômée de la grande école de commerce de l’Edhec, aujourd’hui chargée de financement ; Paul Balesme, un temps employé d’un resto étoilé au Michelin, maintenant maître des cuisines, etc. Que sont-ils venus faire là ? Dans cette boîte où le salaire du pédégé est 2,5 fois plus élevé que celui de l’ouvrier en insertion ? Ils ont trouvé place dans un écosystème au précieux équilibre.
A un jet de pierre de là, à Audruicq, il crée, en 1995, l’entreprise d’insertion « Scieries et palettes du littoral » qui deviendra leader en France de la palette papetière. La boîte pousse. Ses branches déclinent des filières et forment une arborescence à l’implacable logique. Faire des palettes, c’est bien ; extraire le bois de la forêt alentour en utilisant la force des animaux puis le couper dans une scierie, c’est mieux. En envoyer une partie pour monter des maisons écoconstruites destinées aux plus pauvres, c’est top ! Dans celles-ci, on pourra lancer les premiers écogîtes solidaires du Nord-Pas de Calais et poser sur la table les légumes cultivés à Landrethun par des employés en insertion. Le Chênelet, c’est tout ça : un brin d’asso, une poignée de Scop, une pincée d’entreprise d’insertion et un zeste de foncière à vocation sociale. Une recette de rentabilité pour 200 personnes, apprise par François Marty sur le tard… sur les bancs d’HEC. « Il y a des méthodes pour qu’un projet avance, marche, connaisse des échecs, se relève, etc. Nous, on venait d’un milieu où on disait : “ La preuve que je suis pur, je suis totalement incompétent. ” On s’est décontractés là-dessus ! »
Quand la société y gagne
Les entreprises sociales sontelles rentables ? Elles peuvent l’être assez pour assurer leur subsistance mais aussi pour faire économiser de l’argent à la société. C’est grâce à un outil – le « retour social sur investissement » – que le cabinet de conseil McKinsey a scruté les comptes de dix entrepreneurs sociaux soutenus par le réseau Ashoka. Il a soustrait les subventions étatiques aux bénéfices rendus. Et c’est le jackpot ! Actavista, entreprise d’insertion par la réhabilitation de bâtiments historiques, affiche ainsi un gain de 6 900 à 10 500 euros par contrat signé.