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Michelin poursuivi pour violation de droits humains en Inde
vendredi, 19 octobre 2012 / Alexandra Bogaert

L’entreprise française de pneumatiques est poursuivie par cinq ONG. Elles l’accusent de bafouer les droits d’une communauté indienne, en s’implantant sur ses terres. La plainte sera étudiée en novembre à Paris.

L’entreprise française s’apprêterait à inaugurer l’une de ses plus grandes usines de pneus dans la région du Tamil Nadu, dans le sud-est de l’Inde. C’est cette usine, située près du village de Thervoy, qui vaut à Michelin d’être poursuivi par le CCFD-Terre Solidaire, l’association Sherpa de lutte contre les crimes économiques, la CGT et deux organisations indiennes : Sangam, association de villageois, et la Fédération pour les droits de la terre au Tamil Nadu. Ces cinq organisations accusent le groupe de violer les droits d’une communauté d’Intouchables.

Leur plainte, déposée auprès du point de contact national (PCN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en juillet, à Paris, a été jugée recevable ce jeudi.

Bibendum est-il allé trop loin pour rouler sa bosse ?

Le PCN – instance tripartite qui rassemble des représentants des ministères de l’Economie et du Travail, du Medef et des syndicats de salariés – accepte ainsi de vérifier si les agissements de Michelin dans le Tamil Nadu respectent les principes directeurs de l’OCDE. Ces principes visent à encourager les multinationales des pays membres (dont la France) à avoir, partout où elles exercent leurs activités, un comportement responsable.

L’audience, pendant laquelle l’entreprise – qui n’a pas encore réagi à l’heure où nous publions cet article – et les plaignants pourront tour à tour s’exprimer, est fixée le 22 novembre prochain à Paris, au siège parisien de l’OCDE.

Une forêt collective passée aux mains de Michelin

Les organisations de la société civile pointent du doigt le fait que les quelque 450 hectares de terre mis à la disposition de l’entreprise par les autorités locales, sans concertation de la population des 18 villages avoisinants, sont situés au cœur d’une forêt collective. Forêt qui abritait jusqu’ici des activités agricoles et pastorales, uniques moyens de subsistance des habitants.

Dans un communiqué commun aux ONG, William Bourdon, président de l’association Sherpa, déclare que « la vraie responsabilité d’une entreprise se mesure désormais au regard de la prévention des risques liés à son activité ».

« Il est très positif que le PCN ait jugé recevable notre plainte », estime pour sa part Antonio Manganella, qui suit le dossier pour le CCFD-Terre solidaire. Les plaignants demandent au PCN de suspendre des travaux de construction de l’usine (qui sont presque achevés), de mettre en place un comité de suivi rassemblant des membres de la population locale et d’obliger Michelin à mener une étude d’impact sur le long terme sur les droits de l’homme.

Des espoirs mais pas trop d’illusions

Mais Antonio Manganella ne fonde pas d’espoirs démesurés sur cette procédure, dont on pourrait connaître le résultat en début d’année prochaine. « Si le PCN nous donne raison, il va formuler des recommandations et pourra s’assurer ensuite de leur bonne mise en œuvre. Mais il n’a aucun pouvoir de contrainte. » Il recommande toutefois à Michelin de ne pas faire comme le groupe minier britannique Vedanta ressources, qui n’avait pas suivi les recommandations du PCN britannique.

Résultat : le PCN avait communiqué sur l’absence de prise en compte de ses demandes, et plusieurs gros actionnaires de l’entreprise s’étaient retirés du groupe. A tel point que Vedanta a dû reculer et annuler ses projets d’extraction polémiques en septembre dernier. C’était en Inde, déjà.

- A lire aussi sur Terraeco.net : En Inde, les bons principes de Michelin se dégonflent.