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« Peut-on accepter que des Européens ne mangent pas à leur faim ? »
mercredi, 17 octobre 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Le Programme européen d’aide aux plus démunis devrait tout bonnement disparaître pour laisser place à un nouveau programme dès 2014. Mais le budget risque d’être plus serré, craint Olivier Berthe, président des Restos du cœur.

Terra eco : Pourquoi le PEAD (Programme européen d’aide aux plus démunis) est-il amené à disparaître ?

Olivier Berthe : Ce programme est parti d’une idée de Coluche proposée en 1987 à Jacques Delors : on puise dans les excédents de la Pac (Politique agricole commune, ndlr) qu’on redistribue aux associations. Le problème, c’est qu’il n’y a plus d’excédents depuis deux ou trois ans. Alors le budget a servi à financer des achats directs sur les marchés. Pour 2012 par exemple, sur les 500 millions de budget, 117 financent les excédents et 383 correspondent à des achats sur les marchés. Certains pays s’opposent à ce principe. Un compromis a été signé en novembre 2011 pour prolonger le financement de ce programme jusqu’à fin 2013. Après, la Pac devra être revue.

Qu’est-ce que cette aide représente aujourd’hui dans votre budget et dans celui des quatre associations agréées ?

Pour nous, les Restos, ça représente un quart de notre budget. Pour la Fédération des banques alimentaires et la Croix Rouge, un tiers, le Secours populaire la moitié environ. C’est beaucoup. Nous demandons que ce programme soit remplacé par un autre similaire. Car il a fait ses preuves. Il a prouvé qu’on pouvait combattre les principales carences alimentaires en Europe. Il a permis à toutes les associations de pouvoir disposer d’un socle de produits qu’elles pouvaient compléter par des achats afin de constituer des paniers d’achats équilibrés. Il y a encore quelques années, on se préoccupait peu des équilibres nutritionnels. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Comment ce programme peut-il aider à constituer des paniers équilibrés ?

En clair, le PEAD attribue aux Etats des tonnes de matière première (viande, lait, céréales…) qui sont données aux grands groupes alimentaires. En échange, celles-là doivent livrer des produits finis aux associations. Pour nous, c’est pratique. Quand on sait un an en avance ce qu’on aura, on peut composer avec les industries agroalimentaires un socle de produits de base : féculents, plats cuisinés… Avant, si on ne nous donnait que des pommes, on ne pouvait distribuer que des pommes. Aujourd’hui, c’est différent. Les dons servent toujours à lutter contre le gaspillage et constituent des compléments aux socles de produits. Si on nous donne des pommes, on les distribue mais en plus.

Le nouveau programme devrait donc fonctionner de la même façon, selon vous ?

Oui, mais ce qu’il faut pour que l’Allemagne nous rejoigne (l’Allemagne ne fait pas partie du PEAD, ndlr) c’est que le programme soit plus modulable, que les Etats puissent choisir des particularités, qu’ils puissent décider par exemple d’utiliser ces financements pour l’aide à l’enfance.

Mais l’Allemagne dit surtout qu’elle s’occupe elle-même de ses pauvres et que tout le monde devrait faire pareil ?

C’est ce que le gouvernement avance. Mais il y a aussi beaucoup de pauvres en Allemagne ! Nous avons rencontré une association allemande qui aurait été intéressée par les fonds du PEAD. Comme nous, ils ont d’autres sources d’alimentation et de financement mais s’ils pouvaient disposer de ce programme, ils pourraient faire mieux qu’aujourd’hui. Et puis surtout, il faut rappeler qu’il y a des Etats qui n’ont pas les moyens d’aider leurs pauvres. Peut-on accepter qu’en Europe il y ait des personnes qui ne mangent pas à leur faim ? Quand une banque d’un Etat membre est en faillite, les autres Etats viennent à son secours. Pourquoi ne viendraient-ils pas au secours des personnes ? Ce que l’on craint aujourd’hui c’est que ce nouveau programme ait un budget plus resserré. On nous annonce 360 millions. C’est un recul. Pour faire ne serait-ce que la même chose que ce l’on fait aujourd’hui, vu l’augmentation des personnes à aider et la flambée des cours des matières premières, il faudrait un budget plus important.


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