https://www.terraeco.net/spip.php?article46481
Parlez-vous "l’avenir"couramment ?
lundi, 24 septembre 2012 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

- Suivez-moi sur twitter : @dobelioubi

- Mon blog Media Circus : Tant que dureront les médias jetables

Vous ne voulez pas passer pour un has been du développement durable ? Jetez les termes « capitalisme » et « nation ». Et adoptez la « coopération », la « société civile » et la « créativité ».

« Collaboration », « coopération », « co-construction » : les adeptes de la transition économique et écologique n’ont que ces mots à la bouche. Madame Michu, qui avait du mal avec le développement durable, risque bel et bien d’être larguée. Denis Muzet, sociologue et président de l’Institut Médiascopie, s’est penché sur la question [1]. Voici un petit guide de traduction simultanée.

Trop froid : oubliez le « libéralisme ». Au top des termes has been, le podium revient au trio « autoritarisme », « décision unilatérale » et « égoïsme ». Intéressant, mais un peu convenu. Plus surprenante, l’idée de jeter aux orties le « libéralisme », le « capitalisme » et la « compétition ». Ces trois-là sont mal notés, à la fois parce qu’ils auraient peu d’avenir et pour leur incapacité à coller à l’idée de co-construction. Pas si loin de l’univers libéral, le terme « argent » ne s’en sort pas si mal : noté 6,4/10 pour sa capacité à « faire partie du processus de décision demain ». Eh oui.

Trop autoritaire : ignorez « l’Etat ». « Dirigeants politiques », « Etat », « gouvernement »… Oubliez-moi ces termes d’un autre temps. Un monde qui se co-construit ne peut décemment pas s’en remettre à ces trois-là. Explication : « Si la contradiction (…) est permise, elle est bridée par le principe majoritaire et la nécessité qu’il y a de trancher. » Résultat, la décision devient un « impératif » alors qu’elle devrait être le résultat d’un « travail collectif ».

Trop étroite : zappez la « nation ». Sur la planète « DD », l’Union européenne (UE) est in et les Etats out. « L’Etat et la nation, échelons du XXe siècle, [sont] trop larges pour l’action locale, trop étroits pour l’action concertée à l’échelle de la planète », souligne Denis Muzet. Mieux que l’UE, les adeptes de la co-construction votent pour les « organisations internationales » et les « collectivités locales ». L’avenir de la planète se joue près de chez nous. Madame Michu est rassurée.

Plus efficace : dites « société civile ». Au palmarès des gens cool voici la société civile, les experts et les scientifiques. Pour Denis Muzet, « c’est dans la mobilisation de ces acteurs, animés par un esprit de citoyenneté que la démocratie (re) prendrait un sens plus inclusif ; et c’est surtout autour d’eux que s’organiserait désormais l’acte de décider au service d’une pleine efficacité. »

Plus « slow » : il faut ré-flé-chir. « Prenons garde (…) de ne pas confondre société civile et opinion publique, tant cette dernière, abreuvée par les médias et les leaders d’opinion, peut être tentée de céder aux sirènes de l’urgence. » L’antidote ? La « réflexion », pardi ! Malheureusement, si le terme semble avoir une grande valeur aux yeux des sondés, son avenir leur semble plutôt incertain. Triste réalité.

Plus, plus, plus : vive la créativité ! Grand vainqueur de ce sondage de la co-construction : la « créativité » : « au-delà de la méthode, ce sont de nouvelles solutions qui sont attendues. De nouvelles solutions collectives, pluridisciplinaires, mais aussi et surtout appropriables et communicables au plus grand nombre. » On parle ici d’« information » et de « communication ». Et, si possible, on évite le « classique marketing, lequel, englué dans le logiciel libéral, symbolise les errements d’une vision de l’autre (…) strictement commerciale, à l’heure où le citoyen détrône le consommateur ». —

PDF - 1 Mo
Télécharger l’étude de Médiascopie sur la co-construction