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Ces marques qui ont déjà banni le bisphénol A
jeudi, 11 octobre 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Le bisphénol A devrait disparaître des contenants alimentaires en 2015, un an plus tard que prévu. La faute aux industriels qui relèvent la difficulté de trouver des substituts. Pourtant, certains l’ont déjà fait. La preuve.

Mise à jour du 10 avril 2013 : L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a rendu public, le 9 avril, un avis particulièrement négatif sur le bisphénol A. Elle évoque des risques potentiels pour la santé, des femmes enceintes et de leur fœtus notamment, mais aussi des caissiers. L’Agence recommande de limiter au maximum l’exposition des futures mères à ce perturbateur endocrinien.

Si tout se poursuit comme prévu, le bisphénol A devrait disparaître de tous les contenants alimentaires au 1er juillet 2015. C’est le sens de la proposition de loi adoptée mardi 9 octobre en premier lecture au Sénat. Une victoire nuancée pour les associations. Le texte initial fixait comme échéance le 1er janvier 2014. La raison du report ? La difficulté à trouver des substituts avancée par les industriels. « Il est toujours difficile de trouver des substances de substitution, mais ça l’est encore plus pour le bisphénol A, compte tenu de la variété de ses applications », explique Patrick Lévy, médecin conseil de l’union des industries chimiques (UIC). Pourtant, certains industriels qui ne fabriquent pas de biberons (le BPA y est banni depuis 2010) ont déjà pris de l’avance.

Le bisphénol A, il y en a partout : dans les boîtes de conserve, les canalisations d’eau, les tickets de caisses, les canettes… Mais des solutions de remplacement existent. En juin 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié une liste de 73 alternatives recueillis auprès d’industriels, d’agences nationales, d’associations, d’universités…

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Dans la liste de l’Anses, 21 substituts concernent le polycarbonate (PC), un polymère fabriqué à partir de bisphénol A très résistant aux chocs et aux hautes températures. Les substituts au BPA dans les plastiques polycarbonate sont « les plus faciles à mettre en œuvre », écrivait le Réseau environnement santé (RES) dans un document publié en avril 2011.

Première possibilité : troquer le PC pour le verre. « Le top du top », selon Yann Vicaire, chargé de mission au RES. « C’est un matériau inerte et qui élimine le problème des déchets. » Il y a encore l’inox ou la céramique. Il y a enfin d’autres matières plastiques comme le polyéthylène et le polypropylène, deux matériaux « plus vieux que le polycarbonate ». De ceux-là, « on ne peut pas dire qu’on n’a pas de preuves (de leur innocuité, ndlr) ou alors il faut rouvrir tout le chapitre des plastiques », souligne Yann Vicaire.

Le PET (polytéréphtalate d’éthylène) est lui aussi mentionné comme alternative possible dans le document de l’Anses, mais là « il n’est pas exempt de souci. Se pose notamment la question de l’antimoine utilisé comme stabilisateur dans le PET. Une polémique avait été lancée par une organisation de consommateurs allemande (en 2005, ndlr) », poursuite le chargé de mission au RES. Viennent ensuite d’autres substituts dont on sait moins de choses : le copolyester Tritan – développé par Eastman Chemical Company, une société américaine – dont les ventes ont quadruplé entre 2009 et 2010. En 2011, un professeur de neurobiologie à l’université d’Austin (Texas) avait décelé dans ce matériau des molécules imitant l’action des oestrogènes. Ou le mystérieux Ecozen du Coréen SK Chemicals.

En février, la gamme Tupperware a décidé de bannir le polycarbonate de ses produits. Sur son site internet, dans la rubrique « Matières », on trouve désormais la mention suivante : « Nous avons choisi de supprimer de notre catalogue tous les produits à base de polycarbonate, pour avoir ainsi une gamme à 0% de bisphénol A. Le polycarbonate est remplacé par le polyester thermoplastique qui présente des propriétés similaires mais ne contient aucune trace de bisphénol A. » Késako ? « On a remplacé [cette matière] par un polyester thermoplastique. Il est aussi transparent, aussi solide, un peu moins rigide », a expliqué Denis Gruet, pédégé France de l’entreprise, en mai dans les colonnes du Parisien. Coût de l’opération ? 4 millions d’euros selon le quotidien pour trois années de recherche. Reste à savoir si le nouveau polyester de Tupperware est la panacée pour la santé. Pour des raisons de confidentialité, l’industriel livre peu d’éléments sur sa nouvelle trouvaille.

Dans la boîte de conserve, c’est la couche d’époxyde qui est en cause. Composée de bisphénol A, celle-ci sert à créer une barrière étanche entre la boîte et les aliments. Comment la remplacer ? On peut éliminer la boîte de conserve et passer là encore au verre. Après tout, les haricots en bocaux – à défaut d’être frais – sont souvent meilleurs qu’entassés sous aluminium. Reste le couvercle du bocal là aussi souvent recouvert d’epoxyde. Mais si l’on veut garder la boîte de conserve, les choses se compliquent. « Les aliments contenus sont très différents, ils ont des PH variés et leur agressivité sur la résine diffère. On n’a pas de solutions de rechange assez polyvalente. Pour une canette de coca, on peut avoir un substitut possible et un autre pour une boîte de tomate », explique Patrick Lévy de l’Union des industries chimiques (UIC). De quoi transformer la fabrication de canettes en casse-tête. Pourtant, certains ont franchi le pas.

La marque a annoncé en juillet 2010 l’élimination du BPA dans ses boîtes de conserves pour bébés en l’espace de douze mois, puis dans les couvercles métalliques des bocaux de verre. Mais où en est-elle ? Contactée, elle n’a pas répondu dans le temps imparti.

Vous coulez des précurseurs ? Eden Foods, une entreprise américaine spécialisée dans les aliments bios, propose depuis 1999 des boîtes de conserve sans BPA. Sa solution ? L’oléorésine, un « mélange d’huile et de résine extraites de plantes comme le pin et de sapin baumier. « Sauf que c’est plus fragile, souligne Yann Vicaire du RSE. Les produits acides notamment les dérivés de tomates attaquent plus facilement ce genre de résine. »

Plutôt que sur les paillasses des industriels, la solution se trouve peut-être dans les labos. Deux laboratoires universitaires travaillent sur les substituts aux résines époxy. Si à Toulouse on bûche sur la lignine de paille de blé, à Montpellier, on étudie des substances issues de la viticulture. « Si en France on pouvait être des précurseurs et prendre des parts de ce marché des substituts en ces temps de bataille économique, ça pourrait être une bonne chose, souligne Yann Vicaire. C’est une nouvelle opportunité. »