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« Il faut inventer des bâtiments qui soient réversibles »
mercredi, 26 septembre 2012 / Emmanuelle Vibert

Architecte écolo depuis toujours, Françoise-Hélène Jourda planche aujourd’hui sur un écoquartier à Clamart et sur la rénovation d’une halle à Paris. Rencontre.

Vous affirmez qu’il ne peut y avoir d’architecture durable sans analyser les modes de vie des habitants…

La meilleure façon d’être soutenable, c’est d’avoir des lieux de vie adaptés à nos usages, puisque notre façon de vivre a des conséquences sur notre consommation de ressources.

Or, nos modes de vie sont en constante mutation…

Beaucoup de phénomènes se conjuguent. Il y a des familles recomposées, dont la taille peut varier selon les jours de la semaine. Les jeunes adultes qui restent dans la maison de leurs parents. L’introduction de la vie professionnelle dans l’habitation avec le développement du télétravail et aussi la multiplication de microentreprises. Il faut alors se demander comment introduire un espace bureau dans les logements, comment y travailler quand on a trois enfants. Le vieillissement de la population pose aussi de nouvelles questions. Comment adapter un logement à la présence d’une assistante de vie ? Comment accueillir ses parents âgés chez soi ? Que faire de l’espace libéré quand on se retrouve seul ?

Il nous faut donc des logements flexibles ?

C’est essentiel. Nous devons concevoir des bâtiments avec une durée de vie supérieure à celle de ses utilisateurs. Pour cela, il faut sortir du modèle unique, arrêter de construire des structures en béton impossibles à faire évoluer et inventer des bâtiments qui s’adaptent, qui soient réversibles : des logements qui puissent devenir bureaux ou ateliers au fil du temps, des immeubles qu’on pourra démonter, recycler… Aujourd’hui, on utilise de plus en plus de matières renouvelables : du bois, des isolants à base d’algues… Mais pas encore de bâtiments flexibles.

Il y a en revanche, une contrainte immuable, dites-vous. C’est le site, sa géographie, son climat…

L’interface avec l’environnement est essentielle. L’enveloppe du logement doit répondre aux conditions climatiques. On ne peut pas construire de la même façon en Norvège et en Espagne. Pour économiser l’énergie et les matériaux, il faut explorer les ressources et les traditions locales. Y a-t-il du bois, des briques, de la terre crue ? Quelles sont les caractéristiques des maisons traditionnelles ? Y a-t-il un toit qui protège de la pluie d’ouest, ou bien des volets avec plusieurs sortes d’ouvertures pour filtrer le soleil au sud ?… Il n’est pas question de faire des pastiches de l’architecture passée, mais de la réinventer dans une écriture contemporaine, en tenant compte des technologies actuelles. De retrouver une diversité architecturale, à l’opposé de ce qui se fait en ce moment où les maisons sont les mêmes dans toute la France. —

- Le site de Françoise-Hélène Jourda.


En dates

1955 Naissance à Lyon (Rhône)

1979 Diplômée de l’école d’architecture de Lyon

2004 Commissaire du pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise, sur le thème des « Métamorphoses durables »

2007 Obtient le Prix international d’architecture durable

2012 Rénove la halle Pajol à Paris (XVIIIe), destinée à devenir la première centrale photovoltaïque urbaine