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Changeons de rêve !
mercredi, 26 septembre 2012 / Emmanuelle Vibert

Recherche maison individuelle, lumineuse, avec vaste jardin… Et si la maison écolo idéale n’était pas celle qu’on croyait ?

C’est sûr, elles nous font rêver, les maisons écolos. Partout dans le monde, ce sont elles qui inspirent les architectes les plus doués d’aujourd’hui. Avec leurs toits-terrasses, leurs grandes baies vitrées avec vue sur la verdure, leur impeccable intégration au paysage… On en veut tous une ! Mais sont-elles si écologiques que ça, ces sublimes maisons sur papier glacé ? Certes, elles ont les matériaux naturels qu’il faut, des panneaux solaires et une conception bioclimatique savante. Elles ont cependant un gros défaut : elles participent à l’étalement urbain. Et si on changeait de rêve ?

Un havre perso avec bout de jardin

Dans un ouvrage paru au début de l’année 2012, La Tentation du bitume (Rue de l’Echiquier), Eric Hamelin et Olivier Razemon nous mettent en garde contre l’artificialisation galopante du paysage. « Depuis quelques années, écrivent-ils, la France consomme, pour chaque nouvel habitant, une surface de 1 450 m2. Est-ce vraiment raisonnable ? » On en connaît les conséquences : raréfaction des terres agricoles et des espaces naturels, menaces sur la biodiversité… Pourtant, nous continuons à désirer notre havre perso, avec bout de jardin et voiture obligatoire pour aller faire ses courses et emmener les enfants à l’école. « L’imaginaire collectif, poursuivent le sociologue et le journaliste, véhiculé par la majorité des romans de gare, des séries télévisées ou des films, continue de valoriser l’habitat individuel. De même qu’on ne saurait vivre sans voiture ni télévision, chacun est censé “ avoir une maison ” ou, à tout le moins, s’imaginer, dans l’avenir, acquérir “ la maison de ses rêves ”. » Et quand Yann Arthus-Bertrand nous vante les mérites de la construction écolo, en lançant en 2007 avec l’agence Coste architectures et le groupe Geoxia (Maisons Phenix) « La Bonne Maison », c’est en tombant dans tous les pièges de l’univers pavillonnaire. Le site Internet évoque pour ces quatre murs au design ultra-banal, plantés au milieu d’une vaste pelouse, « une architecture consensuelle », « des dispositions intérieures répondant à la majorité des familles ». Au secours ! Quid de l’évolution de la structure des foyers dans le temps, de la diversité architecturale française (lire l’interview de F.-H. Jourda ici) ? Sommes-nous par ailleurs condamnés à fantasmer sur un modèle voiture-maison aujourd’hui dépassé ? Dieu merci, non.

Des voisins pour rendre service

D’autres solutions apparaissent. On pense primo à l’habitat coopératif. La France semble s’éveiller à ce système déjà bien développé en Suisse, en Norvège ou au Québec. Le principe : un groupe de personnes crée une société coopérative pour concevoir et gérer leur logement. Pour en être, il faut aimer les réunions – puisque la coopérative fonctionne sur un mode démocratique –, éventuellement batailler avec les autorités locales pour récupérer un terrain, refuser de spéculer sur son bien, être prêt à partager un jardin potager, une buanderie, etc. Mais les avantages sont nombreux : un logement écolo moins cher, peu gourmand en énergie car plus dense qu’une maison individuelle, des voisins pour rendre service si besoin… Vous voulez en être ? Les projets éclosent un peu partout en France. La coopérative La Gargousse (1) cherche, par exemple, de nouveaux associés pour rénover et habiter un immeuble de 375 m2 dans le quartier de la Guillotière à Lyon. Pour trouver un projet près de chez vous, rendez-vous sur le site de l’association Habicoop (2) qui diffuse des conseils et promeut le mouvement. Vous pouvez aussi vous tourner vers la société COAB qui met en relation les cohabitants, collectivités, partenaires fonciers, entreprises du bâtiment pour mener à bien un projet. COAB accompagne des groupes à Pantin, Corbeil-Essonnes et dans XIVe arrondissement de Paris.

Un nid qui respecte la planète

Il nous faut aussi songer à améliorer l’existant. Le marché des extensions de maison est d’ailleurs en plein essor. Quand les prix de l’immobilier flambent, on pousse les murs plutôt que d’en changer. C’est une autre façon de résister à la tentation du bitume. La Camif s’est par exemple lancée sur ce terrain en prônant les mérites des extensions en bois, comme une solution « écologique, esthétique, économique ». Renoncer à nos envies de vivre dans un nid qui nous ressemble et respecte la planète, il n’en est pas question. Mais il nous faut réinventer dans un contexte d’urbanisme dense. Pour cela, nous avons besoin des architectes, des promoteurs, des services publics en charge d’habitat, comme des magazines de déco. S’il vous plait, faites-nous rêver d’un habitat collectif, vraiment durable. On vous suivra. —

(1) Le site de La Gargousse

(2) Le site d’Habicoop


Parlez-vous RT 2012 ?

Il s’agit de la réglementation thermique obligatoire, initiée pendant le Grenelle de l’Environnement, pour toute construction neuve à partir de janvier 2013. On monte d’un cran par rapport à la RT 2005 : la consommation d’énergie des nouveaux bâtiments devra être inférieure à 50 kWh/m2/an, contre 150 kWh/m2/an en 2005.

- A lire, à surfer

21 rénovations écologiques en France, de Sylvain Moréteau (Terre Vivante) : des exemples concrets et détaillés pour rénover.

A paraître chez le même éditeur : Les sols en terre, de Marie Milesi et Johannes Riesterer.

Atlas d’architecture écologique (Place des Victoires) : un large panorama des réalisations les plus créatives en matière d’architecture durable.
- Le site des Editions Menges

La section « construction durable » du magazine Le Moniteur pour suivre l’actu du secteur.