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En Nouvelle-Zélande, un fleuve qui se défend tout seul
jeudi, 20 septembre 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Le fleuve Whanganui, un des plus longues de Nouvelle-Zélande, a obtenu le statut de personne légale. Une victoire pour les communautés maories locales qui ont pris sa défense depuis plus d’un siècle.

Ceci n’est pas un fleuve. Enfin, pas seulement. Depuis fin août, le Whanganui, troisième plus long fleuve du pays, est reconnu comme une personne, juridiquement parlant. Autrement dit : il a désormais des droits et des intérêts qu’il peut défendre. L’accord préliminaire a été signé entre la Couronne (1) et des iwis - une communauté maorie ayant des liens culturels forts avec le cours d’eau - représenté par Brendan Puketapu du Whanganui River Maori Trust.

La rivière et ses deux gardiens

Et concrètement, alors que la rivière ne peut de toute évidence pas parler, qui portera sa voix ? Ce sera ses deux gardiens : l’un est issu de la Couronne, et l’autre du peuple. Pour assurer sa protection, ils devront prochainement se mettre d’accord sur les caractéristiques qui font toute sa valeur, ainsi que sur une stratégie de développement qui satisfera toutes les parties prenantes, des iwis au gouvernement local, sans oublier les utilisateurs commerciaux et ceux qui voient dans la rivière un intérêt récréatif. Pour Christopher Finlayson, le Ministre chargé de la négociation du Traité de Waitangi, c’est un événement historique. « Les iwis de la Whanganui ont cherché à protéger la rivière et ont vu leurs intérêts reconnus par la Couronne d’une façon légale depuis 1873. Ils ont poursuivi leurs objectifs au cours de l’une des plus longues affaires judiciaires de la Nouvelle-Zélande », a-t-il déclaré à l’issue de la signature.

« Une entité vivante à part entière »

Après plus d’un siècle de revendications iwies, celles-ci étaient enfin entendues en 1994 par le Tribunal de Waitangi. Ce tribunal, en réalité une commission d’enquête permanente, est chargé d’enquêter et de faire des recommandations quant aux réclamations déposées par les Maoris dans le cadre du Traité de Waitangi. Celui-ci (« Tiriti o Waitangi », en Maori) a été établi en 1840 et reconnaît notamment les Maoris comme propriétaires de leurs terres. Il donne aussi à ces populations les droits des sujets Britanniques. Les discussions entre la Couronne et les iwis de la Whanganui n’ont réellement commencé quant à elles qu’en 2009... « L’accord qui reconnaît le statut de la rivière comme une Te Awa Tupua (« une entité vivante à part entière »), ainsi que la relation inextricable qui lie les iwis avec la rivière, est un pas majeur vers la résolution des griefs historiques des iwis de Whanganui. Au niveau national, c’est important », a ajouté Christopher Finlayson.

« La reconnaissance de la rivière Whanganui en tant que personne légale représente un moment historique dans l’histoire du droit », rapporte Suzanne Benally, de Cultural Survival, sur le webzine Take Part. « La nature n’est plus seulement vue comme une ressource à détenir, exploiter et profiter. C’est une force vivante et durable qui a besoin d’être honorée, respectée et protégée par nous tous. »

Rivière contre gouvernement

Si la rivière Whanganui est la première « entité » à être ainsi reconnue, l’Équateur avait déjà passé un cap similaire en 2008 : le petit pays d’Amérique latine était devenu le premier au monde à reconnaître les droits légaux à l’ensemble de ses montagnes, ses rivières et ses terres. Le but ? Fournir une protection juridique à l’environnement équatorien et à ses ressources, en permettant à quiconque de lancer des poursuites au nom d’un écosystème. En 2011, cette loi d’un nouveau genre a réussi haut la main sa première échéance. Le gouvernement de la Province Loja était poursuivi au nom de la Rivière Vilcabama : il avait autorisé l’élargissement d’une route jouxtant la rivière, que des rochers étaient du coup venus obstruer, causant des inondations affectant les populations vivant sur ses rives. Verdict : le juge a donné raison à la rivière. La municipalité a été contrainte d’arrêter son projet et de réhabiliter la zone...