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Conférence environnementale : les mesures et les oublis
samedi, 15 septembre 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Jean-Marc Ayrault a présenté la « feuille de route » de son gouvernement pour engager la « transition écologique ». Terra eco dresse la liste des mesures annoncées et des grands absents du discours du Premier ministre.

Ce samedi, en clôture de la conférence environnementale, Jean-Marc Ayrault a remis l’écologie au cœur de son discours : « Ma conception est que l’écologie n’est pas un frein ou une contrainte ; elle est un puissant levier de croissance, de compétivité de nos entreprises et d’amélioration de notre bien-être collectif (…) Contrairement à ce que chacun a pu observer au cours de la période passée, la volonté politique de faire face aux défis du développement durable ne faiblira pas. Je m’en porte aujourd’hui garant. »

Transition écologique

Cette conférence devait fixer les termes du « grand débat » sur la transition énergétique. Celui-là s’ouvrira « dans les prochaines semaines » a déclaré le Premier Ministre sans mentionner de date. Au terme de ce débat, une projet de loi sur la transition énergétique sera présenté au parlement « avant l’été 2013 ». Mais d’ores et déjà le premier Ministre a annoncé des mesures immédiates.

- La tarification progressive de l’énergie. Le gouvernement s’est contenté de soutenir la proposition de loi émise par le député socialiste François Brottes. Si la loi entre en vigueur, chaque ménage serait ainsi doté d’un volume de kilowatts/heure à un tarif de base inférieur au tarif de base actuel (de 3 à 10%). Ensuite trois niveaux de bonus/malus seraient appliqués en fonction de la consommation d’énergie : « basique », « confort » et « gaspillage ». Mais en attendant la mise en place de cette tarification au 1er janvier 2014 - si tout va bien - le gouvernement entend étendre le tarif social « à 4 millions de ménages modestes, soit plus de 8 millions de personnes, alors qu’aujourd’hui, il ne concerne qu’un million de ménages. » Les critères pour avoir le droit à ce tarif sont encore à définir, selon l’entourage du premier Ministre.

- Les véhicules : « Dans dix ans, nous devrons disposer de véhicules consommant 2 litres d’essence pour 100 km ». Soit un niveau quatre fois plus faible que la consommation moyenne du parc automobile actuel. Aucune mesure de pénalité pour les carburants diesel, gros producteurs de particules fines

-  La rénovation thermique du parc immobilier : L’ambition du gouvernement est forte : 1 million de logements (neufs et anciens confondus) devraient être rénovés chaque année. Problème : les financements manquent pour ce grand chantier. Le gouvernement a donc imaginé un système de tiers-financement. En clair, des sociétés de portage pourraient prêter aux particuliers qui voudraient engager ces rénovations et les mensualités de remboursement seraient annexés aux économies d’énergie réalisées, a précisé Matignon. Enfin, un « Un guichet unique de la rénovation » sera mis en place pour conseiller les ménages.

Le Président l’avait annoncé. La centrale de Fessenheim sera bel et bien fermée en 2016 mais il faudra conserver les emplois. Résultat : « une personnalité chargée d’engager la concertation sur la reconversion du site » sera nommée par Jean-Marc Ayrault « dans les semaines qui viennent ». Pas plus de précision.

Pour encourager les énergies renouvelables, les « procédures administratives » seront simplifiées. En attendant, un appel d’offres sera landé d’ici décembre pour « la création d’un parc éolien au large du Tréport et de Noirmoutier » .

Biodiversité

- L’agence nationale de la biodiversité Les ONG l’attendaient depuis 2007, la voilà enfin : elle sera créée en 2013, a souligné le premier Ministre. Mais de sa mission spécifique, point de précision. Delphine Batho (ministre de l’Ecologie) et Stéphane Le Foll (ministre de l’Agriculture) devront fixer « son périmètre et ses moyens ».

- L’artificialisation des sols. « Le gouvernement souhaite mettre un frein, au niveau national, à l’artificialisation nette des espaces agricoles et naturels », a souligné le premier Ministre. Le projet devrait être précisé dans le projet de loi concocté par la ministre du Logement Cécile Duflot début 2013. Les ONG, elles réclamaient 0% d’artificialisation nette en 2025. Le Medef était restait circonspect. « On doit d’abord se mettre d’accord sur ce que veut dire l’artificialisation des terres », a déclaré Laurence Parisot. « On ne va pas balancer une annonce sur le 0% d’artificialisation comme ça dans la nature, souligne-t-on dans l’entourage du premier Ministre. Les élus et les industriels ne sont pas prêts à ça. » Pas de remise en cause en revanche du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pourtant selon Yannick Jadot : « Quand les ressources budgétaires sont restreintes, ce n’est pas vraiment dans l’intérêt général de dépenser des millions d’euros d’argent public dans un projet aussi contesté ».

- L’agriculture : Trois mesures ont été annoncées par le premier Ministre : maintien du moratoire sur la mise en culture des OGM, lancement d’un plan en faveur de l’agriculture bio et interdiction des épandages aériens de pesticides, sauf « en l’absence de solutions alternatives ».

- Les agrocarburants. Les agrocarburants posent problème puisqu’ils entrent en concurrence avec la production alimentaire ? Le gouvernement va demander à l’Europe « une pause dans le développement des biocarburants de 1ère génération ».

Risques sanitaires

Sur ce dossier, peu de décisions concrètes. Le premier Ministre entend simplement « soutenir l’effort de recherche », protéger « les publics sensibles » et « diminuer les inégalités environnementales ». Il se contente aussi de soutenir un processus déjà enclenché à travers la proposition de loi du député PS Gérard Bapt et qui concerne l’interdiction totale du Bisphénol A.

Fiscalité écologique

Pas de retour sur le tapis d’une Contribution climat énergie. Pourtant un « consensus » s’était dégagé à la table ronde sur l’existence de cette contribution mais non « sur ses modalités », selon Yannick Jadot, député européen EELV. Dans le discours du Premier ministre, seule une « augmentation de la Taxe générale sur les activités polluantes » devra faire partie de la prochaine loi de finances. Evoquée aussi, l’augmentation du malus automobile dont le seuil sera rabaissé à 5g de CO2 par km.

Gouvernance

Le gouvernement joue sur la force des mots et transforme le « Conseil national du développement durable et du Grenelle de l’environnement » en « Conseil de la transition écologique », son nouveau credo. Ce Conseil abritera les 6 instances de la conférence environnementale : ONG, syndicats, patronat, parlementaires, élus et autres personnes morales. L’Etat aussi entend élargir la nécessité pour les entreprises de faire un « rapport de responsabilité sociale et environnementale ». Elle ne s’appliquera pas seulement aux sociétés cotées mais touchera les entreprises en fonction de leur taille.