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François Hollande : du redressement productif au développement durable ?
samedi, 15 septembre 2012
/ Arnaud Gossement
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François Hollande a mis la croissance verte et la transition énergétique au coeur de son discours. C’est bien mais ce n’est pas assez, selon Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement.
La conférence environnementale a été, jusqu’à présent, principalement marquée par la déclaration du Président de la République. Une déclaration marquée par un objectif : celui de la croissance verte. Et un espoir : celui d’un changement de politique. Analyse d’Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement.
Cela supposait de fixer un objectif - un cap - et les principaux moyens pour y arriver. Un cap pour passer du monde d’hier à celui de demain. Un monde d’hier ardemment défendu par certains membres du gouvernement, dont celui du redressement productif : nucléaire qualifié de filière d’avenir, défense de l’aéroport de Notre Dame des Landes, relance du débat sur le gaz de schiste… Un monde de demain qui pourrait voir la ministre de l’Ecologie profiter de la conférence environnementale pour émerger plus fortement.
« A nous de faire que la lutte contre le réchauffement climatique soit non seulement une cause planétaire, européenne, nationale, mais le levier d’un nouveau modèle de croissance à la fois intelligent, durable et solidaire. La France, et j’en prends ici l’engagement, se mobilisera dans la transition énergétique. Voilà le cap, la transition. »
Relisons : « Un nouveau modèle de croissance à la fois intelligent, durable et solidaire ». Les mots clés de cette déclaration. Les termes « croissance » et « croissance verte » sont au demeurant employés à d’autres reprises comme ici :
« Le prix du carbone s’inscrit également dans cette recherche d’une croissance verte à condition, là encore, je l’ai dit, d’en faire une règle commune aux économies développées et aussi de responsabiliser les pays émergents. »
En somme, l’objectif de la politique du gouvernement pourrait être celui-ci : passer d’un modèle de croissance sale à celui d’une croissance verte. Combiner économie, social et écologique. Réindustrialiser sans polluer.
Qu’est ce qui frappe ? C’est bien entendu le sentiment d’avoir déjà entendu cet appel à la croissance verte, au lendemain du Grenelle de l’environnement, en 2007. L’ancien Président de la République et son ministre de l’Ecologie avaient eux aussi appelé de leurs voeux une croissance verte, moteur du « new deal écologique ». Peu importe, réjouissons-nous que plus aucun Président de la République ne puisse se dispenser de prendre position sur l’écologie et le développement durable. A une condition, que le développement durable ne soit pas une politique publique parmi d’autres mais le coeur de toute politique. Une racine plutôt qu’une branche.
Reste que le concept de croissance verte a un peu vieilli. Certes, il est également possible de parler de croissance sélective mais, depuis 2007, quatre ans de crise ont modifié notre approche de la croissance. Celle-ci tourne autour de zéro. Le défi, comme l’a souligné l’économiste Tim Jackson est devenu celui de la prospérité, même sans croissance. François Hollande aurait pu aller sur ce terrain-là, nous livrer ici son analyse. On l’espère pour une autre fois.
A défaut d’être allé plus loin dans le travail de définition de la transition énergétique, le reste du discours de François Hollande s’en est trouvé réduit dans sa portée. Un exemple ? Le Président a annoncé que des demandes de permis relatifs à des gaz de schiste seraient rejetées. Mais il aurait pu aller plus loin que l’énoncé d’engagements. Donner sa vision de l’avenir de notre consommation d’hydrocarbures, de notre dépendance terrible au pétrole. Il a préféré s’arrêter à cette annonce relative à des dossiers en cours.
Idem pour le nucléaire : François Hollande a voulu rappeler son engagement à fermer la centrale de Fessenheim. Il aurait pu aller plus loin en donnant un sens précis à l’objectif de réduction de la part du nucléaire. Rappeler qu’il ne s’agit pas tant de respecter un accord avec les Verts que de changer, ici aussi, de modèle énergétique. Certes, il a été question de sobriété : mais de quoi s’agit-il pour des millions de Français qui se serrent déjà la ceinture ? Ici aussi, un travail de définition, de précision était attendu.
Bien entendu, je me réjouis de la priorité donnée aux énergies renouvelables, de l’importance donnée au lien santé environnement, de l’engagement dans la lutte contre le changement climatique... mais comment faire pour que ces buts soient réellement atteints ?
François Hollande a surtout insisté sur la différence entre le Grenelle et la Conférence environnementale, pas sur les garanties que la deuxième ne s’essouffle comme le premier. Annualiser la rencontre des partenaires environnementaux ne suffit pas. Promettre des crédits ou annoncer une nouvelle agence non plus. Expliquer comment mobiliser les entreprises, identifier des nouveaux marchés et des relais de croissance, dédramatiser l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie, présenter un nouveau pacte entre grands groupes et PME, bref, concrétiser les leviers du développement durable et de l’économie verte pour traduire en actes les objectifs de la loi Grenelle I votée par la droite comme par la gauche : voilà qui serait enthousiasmant.