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Et voici le permis à points... de carbone !
jeudi, 25 mars 2004 / Walter Bouvais /

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Imaginez un monde dans lequel, pour obtenir le droit de faire le plein d’essence, les automobilistes devraient acheter des "permis de polluer". Des chercheurs ont montré qu’un tel système était techniquement applicable. Politiquement, c’est plus douteux.

Aux côtés des entreprises, le secteur des transports reste l’une des principales sources des rejets de gaz à effet de serre (GES). "Parmi les activités émettrices de GES en France, le secteur des transports apparaît non seulement comme un émetteur parmi les plus importants mais aussi, et de loin, comme celui dont les émissions devraient croître le plus", écrivent les chercheurs Charles Raux et Elisabeth Fricker, dans un rapport du Conseil national des transports (avril 2001). Les émissions du secteur des transports sont principalement le fait des véhicules particuliers.

Croyance en la technologie

Pour réduire les émissions de GES dues aux transports, plusieurs pistes existent. La première est celle de la croyance en la technologie. Moteurs plus performants, censés réduire la consommation de carburant ; pile à combustible, alimentée à l’hydrogène... Leur mise en place s’annonce longue, et leur capacité à réduire les émissions de GES reste à ce jour difficile à apprécier. La seconde piste est celle de l’indifférence : reporter tous les efforts de réduction des GES sur les entreprises, et laisser filer la croissance du trafic routier. Efficacité zéro.

Carburant rationné

Une troisième option, originale mais politiquement délicate a été imaginée par deux chercheurs, Charles Raux et Grégoire Marlot (1). Le premier est ingénieur de recherche au Laboratoire de l’économie des transports (LET) de Lyon. Le second était, à l’époque de ces recherches, doctorant au même LET. Les deux hommes ont imaginé un système de "permis d’émissions de CO2" applicable aux automobilistes. Première étape : les autorités fixent un niveau souhaitable de rejets de CO2 dans l’atmosphère, auquel correspond un certain niveau de consommation d’hydrocarbures. Deuxième étape : les autorités distribuent aux propriétaires de véhicules particuliers, des permis d’émission de CO2. Pour faire le plein de carburant, chaque automobiliste doit au préalable disposer d’un nombre suffisant de permis (crédités par exemple sur la puce de sa carte bancaire). Cette solution revient à rationner la consommation de carburant.

Inconstitutionnel ?

"Il s’agit en quelque sorte de droits à acheter de l’essence, explique Grégoire Marlot. L’automobiliste qui choisit de rouler moins peut vendre ses permis sur un marché, et récupérer une somme en retour. Celui qui veut rouler davantage paie pour cela, en se procurant des permis sur le même marché". D’une année sur l’autre, les autorités peuvent réduire le nombre de permis en circulation (pour réduire les émissions), ce qui en fait mécaniquement augmenter le prix. Les automobilistes sont alors incités à utiliser des modes de transport alternatifs. "Mais cette proposition reste encore dans les cartons, prévient Charles Raux. Sa mise en place se heurte à plusieurs obstacles. Le premier d’entre eux est de faire accepter l’idée de rationner la consommation de carburants d’origine fossile. L’idée va de soi chez les spécialistes du changement climatique. Mais elle est politiquement très délicate à faire accepter". "Il n’est même pas certain qu’un tel système soit acceptable du point de vue constitutionnel", note Grégoire Marlot. De fait, il pourrait être considéré comme une entrave à la liberté de circuler.

Déviation ou déviance ?

Une autres solution consiste à augmenter les taxes sur les carburants. Mais celles-ci sont déjà très élevées, et la sensibilité des automobilistes à l’augmentation des taxes est faible. Aujourd’hui, les élus préfèrent donc emprunter des voies détournées. "Par exemple, on réduit la circulation urbaine en supprimant des voies de circulation, pour y implanter un tramway. Les automobilistes circulent de plus en plus mal. Certains finissent par abandonner l’automobile, mais d’autres préfèrent continuer à perdre leur temps dans les embouteillages. C’est intellectuellement incohérent et économiquement inefficace", observe Grégoire Marlot.

(1) Revue Transports n°407, mai-juin 2001.

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