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L’Afrique du Sud donne son feu vert aux gaz de schiste
lundi, 10 septembre 2012
/ Novethic / Le média expert du développement durable |
Le moratoire sur l’exploitation de ces gaz, instauré en 2011, vient d’être levé. Le pays compte produire la moitié de son électricité grâce à ces gaz.
Sous la pression de l’industrie pétrolière, le gouvernement sud-africain a finalement levé ce samedi 8 septembre le moratoire sur l’exploration des gaz de schiste, obtenu en 2011 par les environnementalistes et les propriétaires terriens.
Début mai, le ministre de l’Energie et une haute responsable du ministère de l’Environnement avaient pris position en faveur d’une reprise de la prospection. Pour le gouvernement, le gaz de schiste représente une solution difficile à ignorer. En début d’année, la publication d’une étude commanditée par Shell venait en effet faire miroiter des réserves capables de couvrir les besoins énergétiques nationaux pour les 400 prochaines années. Pour un pays qui cherche encore des solutions à la crise énergétique traversée en 2008, cette ressource est présentée comme providentielle.
Le dernier Plan national de développement – la feuille de route de la politique gouvernementale à l’horizon 2030 – souligne que l’exploitation du gaz de schiste pourrait rapidement couvrir la moitié de la production actuelle d’électricité. S’il évoque les préoccupations environnementales, le document pointe surtout les atouts des gaz de schiste face à deux autres sources d’énergie, le charbon et le nucléaire. Le charbon fournit 90% de l’électricité du pays et le gouvernement promet de diminuer cette part pour respecter ses engagements de lutte contre le réchauffement climatique. L’exploitation du gaz de schiste représente également une option beaucoup moins ruineuse que le programme nucléaire initié par le gouvernement, dont le coût est estimé à 50 milliards d’euros. Quant aux énergies renouvelables, elles devraient produire 10% de l’électricité en 2030, et restent donc marginales dans la stratégie énergétique du gouvernement.
En face, les opposants s’alarment de l’ampleur des demandes d’exploration dans la région. A elle seule, la Royal Dutch Shell demande des permis pour prospecter 90 000 km2. Toutes compagnies pétrolières confondues, la surface convoitée atteint les 240 000 km2, soit environ la moitié de la surface du Karoo. L’année dernière, environnementalistes et propriétaires terriens avaient obtenu un moratoire, dans l’attente d’une étude publique sur les conséquences environnementales de la fracturation hydraulique. Le Karoo étant une région semi-aride, personne ne sait où l’industrie prendra l’eau nécessaire à l’exploitation du gaz. La fracturation hydraulique est en effet très gourmande en eau et l’exploitation envisagée d’un milliard de mètres cubes de gaz nécessite un million de mètre cube d’eau ! Par ailleurs, avec le recul de dix années d’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, les données scientifiques s’accumulent contre une technique qui consiste à envoyer sous pression de l’eau mélangée à des produits chimiques et du sable à plus de 2 500 mètres sous terre. Plus de la moitié de l’eau chargée de polluants disparaît en profondeur et risque de polluer les ressources d’eau souterraine. Le reste remonte à la surface, chargé d’éléments radioactifs ramenés des profondeurs, et doit donc être traité. Des risques qui s’imposeraient à la population du Karoo, très dépendante des réserves d’eau souterraine.
Face à l’offensive des pétroliers, les opposants n’ont pas l’intention de lâcher, prêts à invoquer l’inconstitutionnalité de l’exploitation des gaz de schiste si les droits des individus et de l’environnement ne sont pas garantis par les projets. Ils ont aussi pour eux les dernières études scientifiques qui disqualifient l’argument sur l’impact climatique : les gaz de schiste n’émettraient pas moins de gaz à effet de serre que le pétrole ou le charbon, en tenant compte de la libération de méthane souterrain et de l’importante quantité d’énergie nécessaire à la fracturation hydraulique. Localement, l’opposition des grands propriétaires, des agriculteurs et des écologistes reste très organisée, forte en particulier du soutien de deux grandes figures : le magna Anton Rupert, milliardaire cofondateur du WWF né dans le Karoo, et la princesse Irène des Pays-Bas, grande propriétaire terrienne.
« Il y a une forte opposition locale à la fracturation, mais comme d’habitude le débat se cristallise entre, d’un côté, les propriétaires et les environnementalistes et, de l’autre, les pauvres qui désespèrent de trouver du travail. » Cette opinion d’une personne proche du dossier au gouvernement traduit bien la position du parti au pouvoir. L’ANC défend l’intérêt des masses paupérisées noires devant l’intérêt des grands propriétaires blancs et des défenseurs de la nature, là encore associés à l’ancien pouvoir blanc. Pourtant, des associations de justice environnementale comme Earthlife Africa rappellent que si l’eau du Karoo est polluée ou vient à manquer, ce sont les populations les plus fragiles qui seront touchées en priorité.
Cet article de Magali Reinert a initialement été publié, le 10 septembre 2012, sur Novethic, le média expert du développement durable
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