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« Une Terre 100 % renouvelable relève encore du fantasme »
jeudi, 30 août 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Manque de rentabilité à court terme des énergies alternatives, lobbys pétroliers… Bastien Alex, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques, estime qu’aucun bouleversement n’est à attendre sur la planète avant une trentaine d’années.

Terra eco : Les puissances énergétiques seront-elles les mêmes dans quelques décennies ?

Bastien Alex : Je ne vois pas de bouleversement majeur survenir d’ici à vingt à trente ans. D’une part, il est difficile d’évaluer le moment où surviendra le pic de pétrole et de gaz. Si on y parvenait, les puissances comme la Russie ou l’Arabie Saoudite perdraient de leur poids. C’est sans compter aussi sur le gaz de schiste, qui est entré dans l’équation en 2007 : son exploitation pourrait permettre à la France et à la Pologne de devenir de grandes puissances. Il y a aussi l’Arctique, terre de l’exploration par excellence, qui ouvre de nouvelles perspectives d’exploitation.

Les énergies renouvelables pourraient-elles faire émerger de nouveaux pays producteurs ?

En investissant massivement dans le photovoltaïque, la Chine a déjà grignoté des parts de marché considérables au détriment de la France et de l’Allemagne. Le problème avec les sociétés chinoises, c’est qu’elles veulent surtout développer un secteur économique d’excellence, mais pas sauver la planète. Le renouvelable n’est pour elles qu’un facteur de rayonnement. Autre donnée nouvelle : l’équilibre énergétique se modifie depuis que des pays en développement comme l’Inde ou le Brésil, traditionnellement producteurs de ressources naturelles, tendent à consommer de plus en plus. Depuis plusieurs années, les Chinois sont déjà les premiers consommateurs de matières énergétiques, et ça va continuer.

Des projets tentent d’internationaliser la production et la distribution d’énergies renouvelables. Est-ce une bonne idée ?

Aller mettre des panneaux solaires là où il y a du soleil, dans une zone désertique où il y a peu de conséquences négatives pour les populations, et ce pour fournir de l’électricité à l’Europe, moins ensoleillée, ça participe effectivement d’une bonne idée. Mais il ne faut pas que l’étiquette « développement durable » soit usurpée. Dans « développement durable », il y a « développement », ce qui signifie qu’on ne doit pas priver les populations natives des ressources qui leur appartiennent pour les exporter ailleurs. L’électricité n’est pas encore présente partout en Afrique, où l’on développe ce projet. On sait aussi ce qui se passe au Brésil avec la production d’éthanol, qui profite aux grands propriétaires terriens, au détriment des communautés.

La planète est-elle prête à ce changement vers le renouvelable ?

Ce changement ne se fera pas avant longtemps. Les lobbys pétroliers sont encore très puissants. Des associations se constituent encore très fréquemment pour freiner un projet d’éoliennes qui « défigurerait » le paysage. Il y a aussi le fait que ces projets ne sont pas rentables rapidement, à la différence des programmes pétroliers : les investisseurs ne se bousculent pas. Pour moi, une Terre 100 % énergies renouvelables relève encore un peu du fantasme. —

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