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Stop aux clichés sur les renouvelables !
jeudi, 30 août 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Trop chères, aussi polluantes, pas assez efficaces… Les énergies de demain ont mauvaise presse. Alors, on arrête tout, on sort sa calculette et on plonge dans les rapports. Et, à y regarder de plus près, les mauvais élèves énergétiques ne sont pas ceux que l’on croit.

- « Les énergies renouvelables ne sont pas porteuses d’emplois »

Les détracteurs de l’économie verte auraient bien tort d’utiliser cet argument. Dans le monde, pas moins de 3,5 millions d’emplois seraient dévolus aux énergies renouvelables. Les investissements dans le secteur auraient grimpé, eux, jusqu’à 211 milliards de dollars en 2010, soit 171 milliards d’euros ! Premiers investisseurs : la Chine, l’Allemagne et les Etats-Unis. Au pays de l’Oncle Sam, la John Hopkins University et le Center for Climate Strategies ont compilé les résultats obtenus dans 16 Etats américains ayant d’ores et déjà adopté des mesures environnementales. De là, ils ont extrapolé pour saisir ce qui se passerait dans le pays tout entier si les projets « pro-climat » du gouvernement Obama étaient adoptés : les émissions de gaz à effets de serre chuteraient de 27 % en 2020 par rapport à 1990, le PIB augmenterait de 159,6 milliards de dollars (109 milliards d’euros), 2,5 millions d’emplois seraient créés d’ici à 2020 et le coût de l’énergie baisserait pour les Américains ! CQFD. —

- «  Les éoliennes voient les choses en petit  »

Raté ! Le secteur de l’éolien connaît au contraire une croissance fulgurante : entre 1996 et 2010, la puissance installée dans le monde est passée de 6 000 à 198 000 MW (pour mégawatts, soit un million de watts). Elle a donc été multipliée par trente ! Les pays qui en bénéficient le plus sont la Chine, le leader incontesté, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Espagne et l’Inde. La France, elle, produit 6 883 MW, notamment en Champagne-Ardennes, en Picardie, en Bretagne et dans le Centre. Il n’en reste pas moins vrai que la part de l’éolien dans la consommation d’électricité mondiale n’est aujourd’hui que de 2,4 %. Un seuil limite ? Pas vraiment. Le Danemark, pays des moulins à vent, y a recours à 24 %. Et c’est sans compter les éoliennes offshore ! Installées au large, où elles sont activées par des vents plus intenses et plus constants, ces bestioles ont de l’avenir : en Europe, elles pourraient fournir quelque 25 000 térawattheures d’énergie ! Soit bien plus que ce dont les Européens ont besoin ! —

- « Les énergies alternatives ont, elles aussi, un coût humain »

Oui, oui, le risque zéro n’existe pas. Même avec les énergies renouvelables. Et leur coût humain est bien moins important que celui des énergies fossiles. Le Paul Scherrer Institut, en Suisse, a fait les comptes. Pour 100 GW d’énergie générés par an, le charbon tue 12 personnes, le pétrole 9,37 et le gaz naturel 7,19. Vient ensuite le nucléaire (0,73) et l’hydraulique (0,27), tous deux plombés par de rares accidents mais marquants (fuites dans des centrales nucléaires, barrages qui cèdent). Les renouvelables affichent les meilleurs scores : l’éolien sur terre est la cause de 0,19 décès, la géothermie 0,17 et le photovoltaïque 0,02. —

- «  Les algocarburants, c’est bien joli, mais ils sont gourmands en espace  !  »

Le département de l’Energie américain a estimé que, si du combustible issu des algues vertes remplaçait tout le pétrole consommé aux Etats-Unis, il faudrait couvrir une étendue de 39 000 km2, soit un peu plus que l’Etat du Maryland, dans le Nord-Est du pays : 49 autres Etats échapperaient donc à cette couverture verte ! Reste que les « algocarburants » sont encore considérés comme peu compétitifs : en 2008, le rapport « Agrocarburants et Environnement », publié par le ministère français de l’Ecologie, concluait que le rendement de conversion de l’énergie solaire par les algues est de 3 W/m2, soit deux à dix fois moins que l’énergie éolienne (5 à 20 W/m2), que l’hydroélectricité de montagne (10 à 50 W/m2). Résultat : les scientifiques, comme ceux du projet Shamah en France, se démènent pour démultiplier ces rendements, en identifiant les algues les plus compétitives, en améliorant leurs conditions de production et l’extraction de leurs lipides, à la base du carburant qu’elles produisent. —

- « Il est temps que les Chinois laissent tomber le charbon »

Le dragon asiatique est en réalité déjà bel et bien éveillé : la Chine est la deuxième puissance en termes d’énergies renouvelables, produisant 40 000 MW, derrière les Etats-Unis (56 000 MW) et devant l’Allemagne (49 000 MW). Mieux, la Chine avance à un rythme de TGV. Elle est numéro 1 du solaire thermique et du grand hydraulique (avec certes des installations aussi critiquables que le barrage des Trois-Gorges). En 2010, c’est sur ses terres que la moitié de toutes les éoliennes mondiales ont poussé. Cette même année, elle a augmenté sa capacité en énergies renouvelables de 29 000 MW, doublant ainsi la capacité totale qu’elle avait l’année précédente. Et côté industrie, cet élan se ressent aussi : la Chine produit aujourd’hui plus de la moitié des panneaux photovoltaïques dans le monde. —

- « Le biogaz reste du gaz : ça pollue ! »

Tout faux : d’après l’association britannique Renewable UK, la production de biogaz ne rejette que 12 grammes de CO2 par kilowatt/heure produit. Rien à voir avec le charbon conventionnel (974 grammes), l’exploitation des sables bitumineux (465 grammes) ou le nucléaire (250 grammes). Entre autres raisons pour expliquer ces mauvais résultats des énergies traditionnelles : la destruction d’environnements tels que les forêts, qui conduit à devoir délocaliser la production alimentaire, ou encore les coûts écologiques des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales en fin de vie. A l’inverse, au rang des énergies à faible empreinte carbonique, on trouve le solaire thermique (2 grammes), l’éolien terrestre et maritime, les usines marémotrices (6 grammes) et l’hydroélectricité (entre 10 et 12 grammes). D’autres renouvelables ne font, en revanche, pas aussi bien : la géothermie approche les 40 grammes de CO2 par kilowattheure produit, le photovoltaïque, les 100 grammes, tout comme le biodiesel. —

- «  Imbattables, les rendements des carburants liquides  !  »

Bien au contraire : ils affichent les rendements les plus médiocres. Si l’on met dans la balance l’énergie investie dans chaque source d’énergie pour estimer son rendement énergétique (soit le retour d’énergie pour l’énergie investie), les sables bitumineux obtiennent un score de 1, l’éthanol et le biodiesel de 2. Même le charbon conventionnel fait mieux (8), avec un score équivalent à celui du photovoltaïque. Les championnes du retour sur investissement sont les usines marémotrices (87), le biogaz (40), les éoliennes maritimes (35), la microhydroélectricité (32) et les éoliennes terrestres (28). —

- «  Sans subventions, bye-bye, les énergies renouvelables  »

Si l’on veut entrer dans le jeu des comparaisons, n’oublions aucun élément. Car les subventions octroyées aux énergies fossiles existent aussi. Et, si on les compare à celles dévolues aux énergies renouvelables, le bilan n’est guère favorable aux premières. Pétrole et assimilés auraient bien de la peine à être compétitifs si on leur retirait les 750 milliards de dollars de fonds publics (590 milliards d’euros) dépensés chaque année parmi 24 pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) pour soutenir la production et la consommation d’énergies fossiles ! A l’inverse, les gouvernements traînent la patte quand il s’agit de verser les 100 milliards de dollars annuels (78,6 milliards d’euros) qu’ils avaient promis à la conférence sur le climat de Copenhague, en 2009, pour financer l’adaptation au changement climatique et le développement des énergies renouvelables. Et les coups de pouce aux produits fossiles sont présents à chaque étape : aide à la production, à la consommation, aux prix… Résultats : les fossiles sont très concurrentielles face aux énergies renouvelables. Et si c’était les secondes qui bénéficiaient un jour de ces 750 milliards de dollars de subventions annuelles ? On refait le match ? —