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Sur le café, ça pousse comme des champignons
jeudi, 30 août 2012
/ Hélène Binet
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Des pleurotes qui s’épanouissent sur le marc de votre arabica ? De Paris à San Francisco, les initiatives essaiment. Un petit crème-champi ?
Au recto de sa carte de visite, un organigramme en forme de montgolfière avec des flèches dans tous les sens. Sur 50 cm2 de papier, des cochons sont reliés à la pêche et des vers de terre au biogaz. Un expresso pris sur le zinc relié à une omelette de pleurotes aurait pu aussi y figurer, mais ç’aurait été trop réducteur. Cédric Péchard, agro-économiste fondateur de la société UpCycle, est un adepte de l’économie circulaire appliquée à l’agriculture. Un disciple de Lavoisier selon lequel « rien ne se perd, tout se transforme ». En d’autres termes, un déchet peut aussi être une ressource. Et le marc de café usagé, un formidable substrat pour faire pousser des champignons. Depuis quelques mois, l’homme le prouve grandeur nature. Il vient d’installer un conteneur de 30 m2 de culture de pleurotes près du stade Louis-Lumière, dans le XXe arrondissement de Paris. Les premières récoltes ont vu le jour cet été.
Le marc de café est ensuite confié à l’Etablissement de service et d’aide par le travail de Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), qui emploie 58 personnes handicapées. Une poignée d’entre elles assurent, à la main, le mélange du marc déjà pasteurisé et imbibé d’eau par les percolateurs avec le mycélium soigneusement sélectionné. Le terreau mis en sacs quitte la vallée de Chevreuse pour finir à Paris, suspendu dans un conteneur récupéré sur les docks du Havre. Un mois de noir complet suivi d’un peu de lumière et d’humidité font le reste. Les sacs bourgeonnent puis voient pousser toutes sortes d’excroissances étonnantes. En moins de six semaines, les pleurotes pointent leurs corolles et peuvent alors être ramassés. Non seulement ils ressemblent à 100 % à leurs cousins cultivés en cave, mais ils ont également le même goût. Seules différences, le producteur réalise 80 % d’économies d’énergie – la pasteurisation, étape de la culture traditionnelle, est très énergivore et les champignons sont ultra-frais, car récoltés en centre-ville. Quant au substrat, il sert plusieurs fois et termine sa course dans les champs, comme amendement.
« Nous travaillons actuellement avec le laboratoire d’analyses microbiologiques des sols de Lydia et Claude Bourguignon, se félicite l’agro-économiste. Les premières études montrent que les déchets des chambres de culture constituent un magnifique engrais naturel. » Un déchet peut aussi être une ressource, qu’il disait ! Le prototype est facilement duplicable, d’autant qu’il existe des conteneurs en fin de vie disponibles dans le monde entier.
Leur projet cartonne tellement qu’ils vendent leurs trouvailles dans plus de 300 magasins bios Whole Foods. Aujourd’hui, les champignons poussent aussi sur les restes de café hollandais, espagnol et australien. « On estime à 7 millions de tonnes le volume de marc de café généré chaque année dans le monde, explique Cédric Péchard. Si nous “ upcyclions ” la totalité de cet or noir, nous aurions une production totale de 700 000 tonnes de champignons : de quoi couvrir les besoins en calories et protéines de 70 millions de personnes, localement et quasiment sans énergie ni eau. » —