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Crise alimentaire : « Nous ne sommes pas sortis d’affaire »
jeudi, 16 août 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Selon Hervé Guyomard, de l’Inra, aucun dispositif efficace n’a été mis en place depuis 2008 pour prévenir une nouvelle crise alimentaire.

Hervé Guyomard est directeur scientifique chargé de l’agriculture à l’Institut national de recherche agronomique (Inra).

Terra eco : Quelle est la situation aujourd’hui des prix alimentaires ?

Hervé Guyomard : La situation est préoccupante. Certes, le prix du riz n’a pas, pour le moment, augmenté dans des proportions analogues à ceux du maïs, du blé ou du soja. Néanmoins, la mousson en Inde a été moins forte et les prévisions de récolte sont donc ajustées à la baisse. En pratique, il n’a pas été fait grand-chose depuis les émeutes de la faim de 2008 pour contrecarrer les flambées des cours dès lors que des accidents climatiques ont lieu ; aujourd’hui, ce sont des sécheresses aux Etats-Unis et sur les bords de la Mer noire.


Des dispositifs ont pourtant été mis en place. Par exemple, l’Amis (système d’information sur les marchés agricoles) qui vise à améliorer la transparence sur les marchés a été créé en 2011 par le G20…

Oui, mais ces dispositifs ne sont pas encore réellement opérationnels et efficaces. Ce sont toujours les prévisions de l’USDA (le ministère américain de l’Agriculture) qui donnent le tempo. Et c’est parce qu’à la mi-août, l’USDA a revu substantiellement à la baisse ses prévisions de récolte de maïs que les craintes d’une nouvelle crise alimentaire se sont amplifiées.

On a créé un Forum de réaction rapide (pour permettre aux décideurs de faire face aux crises, ndlr) dans le cadre de l’Amis. Mais certains craignent que son déclenchement soit négativement interprété par les marchés. Si l’outil n’est pas activé par crainte qu’il n’amplifie la hausse des cours, son utilité n’est pas grande ! Selon moi, la question de la volatilité des prix agricoles n’a pas été traitée à la hauteur du défi.


Des crises similaires risquent-elles de se reproduire dans le futur ?

Oui. Il suffit de regarder l’évolution des prix agricoles. Ils ont atteint des pics en 2007-2008, en 2011 et à nouveau aujourd’hui. Même s’il est difficile de faire un lien direct avec le changement climatique, ces hausses sont à chaque fois liées, au moins pour partie, à des incidents climatiques.


Est-il possible de résoudre l’équation demande grandissante et offre stagnante ?

L’offre agricole n’est pas stagnante. Sur les dernières décennies, elle a augmenté significativement. Certes, cela n’a pas suffi à résoudre le problème du milliard de personnes qui souffrent de la faim. Mais il s’agit là d’abord d’un problème d’accès à la nourriture. Ces personnes, dont 75% environ sont des paysans ou des ruraux, n’ont pas un pouvoir d’achat suffisant. Il faut investir dans la recherche et le développement en agriculture. Il faut également réduire les pertes et gaspillages, ne pas généraliser les modes de consommation occidentaux, et augmenter la production. Mais pas en étendant les terres cultivées – il faut en particulier maintenir les espaces forestiers – mais en améliorant les rendements tout en respectant l’environnement. C’est un grand défi.


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