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Faut-il augmenter le Smic ou le RSA ?
mardi, 26 juin 2012 / L’OFCE, L’Observatoire francais des conjonctures économiques. /

L’Observatoire francais des conjonctures économiques.

Le gouvernement vient d’annoncer une hausse du salaire minimum. L’économiste Guillaume Allègre plaide maintenant pour une hausse significative du RSA.

Le gouvernement s’est engagé à un coup de pouce exceptionnel et « raisonné » pour le Smic [1]. Ce mardi, Martin Hirsch plaide lui pour un coup de pouce au RSA plutôt qu’au Smic. Il oppose là les travailleurs pauvres, auxquels le RSA s’adresse, et les bas salaires. Pourtant, les politiques de redistribution doivent s’attaquer aux inégalités tout au long de l’échelle des revenus et pas seulement à la pauvreté.  [2]


- A quoi sert une hausse du Smic ?

Contrairement au RSA, le Smic ne vise pas à lutter contre la pauvreté. Le Smic a pour objectif « d’assurer aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles une participation au développement économique de la nation ».

1) Un Smic élevé a pour effet de réduire les inégalités dans toute la partie basse de l’échelle des salaires, les hausses du salaire minimum se diffusant jusqu’à deux Smic. Depuis le développement du chômage, des emplois précaires et des temps partiels, les salariés au Smic à temps plein ne sont certes pas les plus pauvres, mais ils sont loin d’être aisés.

2) Le Smic réduit l’écart de revenus entre la classe populaire et la classe moyenne, ce qui est un objectif en soi (même si ceci peut-être mal perçu par une partie de la classe moyenne : par construction, la réduction des inégalités ne contente pas tout le monde).

3) Surtout, il n’est pas équivalent de recevoir un salaire élevé ou de recevoir un salaire faible complété par une prestation sociale ciblée. Les prestations n’ouvrent pas de droits à la retraite ou au chômage. En termes de dignité, le niveau du Smic représente la valeur qu’une société donne au travail. Les prestations sociales ciblées sur les plus pauvres mettent les individus concernés dans une position d’assistés, ce qui a des conséquences en termes de représentations (individuelles et collectives). Le travail étant effectué par des individus, il n’est pas illégitime de vouloir réduire les inégalités entre salariés et pas seulement entre ménages de salariés.


- La complexité d’un coup de pouce au RSA

La proposition de coup de pouce au RSA est ambiguë car le terme RSA désigne à la fois un minimum social qui bénéficie à des chômeurs et inactifs (RSA socle, anciennement RMI et API) et un complément de revenus pour travailleurs pauvres (RSA activité). Si la proposition de coup de pouce ne concerne que le RSA activité, elle est incohérente avec l’objectif de cibler les foyers les plus défavorisés. Si, au contraire, elle concerne l’ensemble du RSA, ce qui serait légitime, il convient alors d’être plus explicite et d’assumer qu’elle bénéficiera principalement à des chômeurs et inactifs. En mars 2012, il y avait en effet 1,59 million de bénéficiaires du RSA socle seul, et 689 000 du RSA activité (France entière) : seul un tiers des allocataires du RSA bénéficie de la partie activité.

La mise en place du RSA activité s’est soldée, jusqu’à présent, par deux échecs : selon le rapport final du Comité national d’évaluation, les effets sur l’emploi ne sont pas discernables et la réduction de la pauvreté est fortement limitée à cause d’un important non-recours à la partie complément de revenus. Passons rapidement sur le premier point puisque les effets incitatifs du RSA ne sont plus mis en avant. Le problème principal d’un coup de pouce au RSA activité est bien le non-recours : dans le rapport, il est estimé, pour la partie RSA activité seul à 68% en décembre 2010. [3]

Et ce n’est pas qu’une question de montée en charge : entre décembre 2010 et mars 2012, le nombre de bénéficiaires du RSA activité seul a très peu augmenté, passant de 446 000 à 447 000 en France métropolitaine. Deux causes de non-recours au RSA activité sont à souligner : la connaissance insuffisante du dispositif d’une part et le non-recours volontaire d’autre part : 42% des non-recourants qui n’excluent pas d’être éligibles déclarent qu’ils n’ont pas déposé de demande parce qu’ils « se débrouillent autrement financièrement », 30% n’ont pas déposé de demande parce que ils n’ont « pas envie de dépendre de l’aide sociale, de devoir quelque chose à l’Etat ». Une meilleure information ne serait donc pas suffisante pour régler le problème du non-recours. Au contraire, l’augmentation du Smic a le grand avantage de bénéficier automatiquement aux personnes concernées sans crainte de stigmatisation puisqu’il s’agit de revenus du travail.

L’augmentation du Smic brut augmente le coût du travail

A l’inverse, contrairement au RSA, l’augmentation du Smic brut augmente le coût du travail. Toutefois, il existe plusieurs stratégies permettant d’augmenter le Smic net sans effet sur le coût du travail :

- L’augmentation peut être compensée par une baisse des cotisations sociales employeurs.

- On peut aussi alléger les cotisations sociales salariales sur les bas salaires. Mais cette proposition risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel, qui en 2000 avait retoqué l’exonération de CSG (contribution sociale généralisée) sur les bas salaires au motif que la progressivité de la CSG ne se serait alors pas appuyée sur la faculté contributive des ménages.

- Enfin, une réforme de plus grande ampleur visant à fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu permettrait de réduire l’imposition sur les bas salaires et d’augmenter ainsi le Smic net. L’intégration de la Prime pour l’emploi permettrait aussi de faire apparaître directement les sommes concernées sur la feuille de paie.

Fondamentalement, il n’y a pas de raison de vouloir faire fluctuer le niveau du RSA socle par rapport au SMIC. De plus, du fait de l’indexation du RSA socle sur les prix, son niveau a beaucoup baissé relativement au SMIC depuis le début des années 1990 (voir Périvier, 2007). Il serait donc légitime de revaloriser significativement le RSA socle (quitte à réduire le taux de cumul du RSA activité) et de l’indexer sur le niveau du SMIC. Ceci résoudrait définitivement la question du coup de pouce au SMIC ou au RSA.


- Cette chronique de l’économiste Guillaume Allègre a initialement été publiée sur le blog de l’OFCE le 26 juin 2012.