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Chassez l’épicerie, elle revient au galop
vendredi, 29 juin 2012 / Candice Moors

De la maison de retraite au camping, en passant par les habitations isolées, cette supérette équestre sillonne les routes du Morbihan depuis deux ans. Rencontre au petit trot.

« Tout l’hiver, j’ai attendu la reprise des tournées, j’en avais assez des néons ! » Derrière la caisse de l’épicerie de Pluherlin, bourgade de 1 300 habitants dans le Morbihan, Violaine Frappesauce n’était pas la seule à piaffer d’impatience. Stourm, son cheval de trait, a, lui aussi, repris du service à la mi-avril. « On avait arrêté en septembre parce qu’alors les clients se font plus rares, l’activité étant liée au tourisme. Et on doit aussi éviter les intempéries », commente-t-elle. En 2005, après huit ans dans la grande distribution, la brunette a 27 ans et franchit le pas : elle se décide à reprendre une supérette de village.

Boutade d’un client

« Avec le commerce de proximité, j’espérais retrouver le lien social qui avait disparu dans mon boulot », explique-t-elle. Mais l’enthousiasme ne fait pas tout. Il lui faudra aussi rassembler 30 000 euros de fonds de commerce et 45 000 euros pour les murs. Sans être « une fondamentaliste écolo », Violaine a toujours rechigné à démarrer sa voiture pour livrer des packs d’eau minérale – elle propose en tout 300 produits, des légumes locaux aux boîtes de conserve – dans le bourg. « J’ai bricolé une charrette accrochée à mon vélo. Puis, sur une boutade d’un client, je me suis dit : “ Pourquoi pas à cheval ? ” » Piètre cavalière selon ses dires, mais amoureuse des canassons, elle se forme à la conduite d’attelage. Le centre de dressage voisin lui confie Stourm. Un nom prédestiné : il signifie « combat » en langue bretonne.

Crottin dans les jardins

En avril 2010, le tandem est prêt pour les balades, mais aussi pour traquer les subventions : le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le Conseil général et l’Union européenne apportent la moitié des 20 000 euros nécessaires. C’est enfin une affaire qui roule et, deux fois par semaine, l’« équicerie » dessert le bourg voisin de Rochefort-en-Terre, ainsi que des personnes isolées, une maison de retraite et même un camping ! Pour quelques madeleines vendues – au même prix qu’à l’épicerie –, les personnes âgées se remémorent leur passé à la ferme, les enfants découvrent le doux museau de la grosse bestiole et les touristes, armés de leur appareil photo, mitraillent à toute allure.

Le chiffre d’affaires de l’équicerie reste modeste. Il couvre tout juste le matériel et les frais liés à l’entretien du cheval. Mais Stourm n’a besoin que d’un nouveau ferrage à 80 euros tous les deux mois, d’un peu d’herbe l’été et de foin en hiver : « Rien à voir avec les frais d’une camionnette. » « La réussite, ce sera d’embaucher mon apprentie de manière pérenne », tempère toutefois Violaine. En attendant, à chaque jour sa petite victoire : « Les produits laitiers finissent en promo et les déchets organiques en compost ! » Et le crottin de son cheval est, lui, valorisé dans les jardins. « A une époque où tout le monde court vers le plus, moi je cours après le mieux », conclut-elle dans un sourire. —

Impact du projet

Une tonne de produits tractée à chaque tournée

Chiffre d’affaires de 9 000 euros

- Le site de l’épicerie