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J’ai testé le camping-car
vendredi, 29 juin 2012 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Cette année, j’oublie mes préjugés : non, la maison sur roues n’est pas réservée aux retraités et aux feignasses ! Au menu : paresse au cœur d’une nature intacte, vin et couchers de soleil. Que demander de mieux pour les vacances ?

Quand j’étais petite, je rêvais de me réincarner en escargot. D’abord, parce qu’en escargot, on peut avoir une zézette et un zizi (na !), et aussi parce qu’on n’a pas besoin de se presser pour aller à l’école, ni de manger du steak haché pour grandir. Mais en vrai, ce qui me faisait le plus fantasmer chez les gastéropodes, c’était qu’ils pouvaient traîner leur maison sur le dos. Depuis, j’ai grandi et, quand un ami m’a invitée à le rejoindre dans la Drôme pour un week-end crapuleux en camping-car, j’ai d’abord hurlé de rire. Ben oui, le camping-car, c’est un truc de retraités, tu vois, ou pire, de famille nombreuse. Sans compter que c’est moche, en plus de carburer à l’énergie fossile. N’avez-vous pas en tête ces visions atroces de parallélépipèdes en tôle blanche, garés les uns à côté des autres face à la mer ? Quant au camping-cariste, je ne peux m’empêcher de l’assimiler à une grosse feignasse incapable de renoncer à son confort. Bref, j’ai bien ri. Puis je me suis souvenue de l’escargot que je rêvais d’être. Alors j’ai dit oui.

Désobéissance civile

Première règle : ne jamais stationner avec d’autres camping-cars. A la rigueur, dans un instant d’égarement, on peut répondre à l’appel de phares de celui qui croise votre chemin, mais le communautarisme s’arrête là, ou presque. On n’a pas gardé les parkings ensemble ! Sur les aires de service communes, vous pouvez vidanger eaux usées et toilettes puis remplir vos réservoirs. Ne pas oublier de charger le frigo et la cave et de remplacer la bouteille de gaz. Attention, on ne peut pas faire n’importe quoi, notamment stationner sur les rivages, dans les sites classés, à moins de 200 mètres des points de captage, et même dans les bois ou parcs classés. Mais c’est là que je vous invite à un peu de désobéissance civile.

A condition d’être bien propre et de ne laisser aucune trace, trouvez-vous un coin de nature délaissé par l’Homme (il en reste quelques-uns, surtout les jours de semaine, hors vacances !). Parce que c’est quand même ça, l’avantage du camping-car : être chez soi n’importe où. Choisir un site isolé, dans un cadre enchanteur : Jura, Vercors, Cévennes… En général, ces gros engins n’aiment pas les petites routes qui serpentent, mais il faut forcer un peu la bête pour s’enfoncer dans des paysages qui se méritent. S’installer plein ouest. Sortir la couverture, les victuailles, le tire-bouchon, admirer le soleil couchant. En cas de pluie, hop, on se rapatrie dans l’engin et on bouquine (toute la collection de « Nature writing » des éditions Gallmeister : Indian Creek et Sukkwan Island en priorité) en écoutant la pluie tambouriner.

Cuir recyclé et LED à gogo

Les grincheux objecteront, à raison, qu’un camping-car, ça ne roule pas à l’eau. Oui, petits scarabées, à part vos petons et votre destrier à pédales, en matière de déplacements, tout émet du CO2. Mais cette voiture à lits ne s’en sort pas si mal. D’après l’étude de l’Institut d’écologie appliquée allemand, quatre personnes parties en virée dans le sud de la France – à partir de Francfort, outre-Rhin – pour deux semaines de glande vont émettre durant leur voyage moins de 250 kg de CO2 si elles font halte sur des aires de stationnement et 280 kg si elles optent pour le camping. Le même voyage, combinant avion plus hôtel climatisé, émettra 680 kg de CO2 ! L’étude ne dit pas, en revanche, ce qu’émettent les « campeurs sauvages » qui s’installent à l’œil…

La filière, elle, s’adapte à la tendance et propose désormais tout un tas de camping-cars écolos. On trouve ainsi des modèles 30 % plus chers car dotés d’une farandole de cochonneries bios-équitables-certifiées : tentures en fibres naturelles, cuir des banquettes en chaussures recyclées, plastique recyclable et LED à gogo, bois et documentation FSC (sic), rembourrage des matelas sans additifs chimiques, bacs de tri, oxygénation des toilettes (pas encore sèches…), capteurs infrarouges sur les robinets, etc. Qu’est-ce qu’on s’en cogne, quand même, non ? Surtout quand on sait qu’il suffit d’éteindre ses lumières et de fermer le robinet…

CAP de carrossier

Il existe une quantité de kits photovoltaïques – de 200 à 600 euros selon les puissances – qui permettent de limiter le recours au gaz, notamment pour le frigo. Et si vous choisissez de construire vous-même votre maison de vacances sur roues, pas de problème : vous pouvez directement acheter des structures de fourgons et d’utilitaires. Ne reste plus qu’à monter la bête selon vos envies. N’ayez crainte, inutile d’avoir un CAP de carrossier-menuisier pour se lancer : certains sites – comme Kitcampingvan.fr – vendent des kits d’aménagement tout prêts pour 1 900 à 5 000 euros, selon l’équipement et le degré de confort souhaité. Mais très franchement, qu’il soit green ou fait maison, ça ne change pas grand-chose : le rêve de petite fille fonctionne à fond. —