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Bienvenue à AustéritéLand, cette Europe où l’économie est absurde
mercredi, 20 juin 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Les mesures et plans d’austérité qui s’accumulent dans toute l’Europe tendent peu à peu à la stupidité.

Il est un pays où l’on dilapide ses richesses pour rembourser ses dettes. Ce pays, nous avons choisi de l’appeler AustéritéLand. Ce sont toutes ces régions d’Europe où le quotidien est désormais régi par l’austérité. Tour d’horizon de ces absurdités auxquelles nous mène le championnat d’Europe de la rigueur.

- A AustéritéLand, les feux de signalisation ne s’allument qu’au rouge

Athènes n’était déjà pas connue pour être une ville où l’on respecte beaucoup le code de la route. De nombreux conducteurs ignorent carrément les feux rouges dans la capitale grecque, si bien que le nombre d’accidents y est l’un des plus élevés en Europe. Malheureusement, la situation a encore empiré du fait de l’austérité, tout simplement parce que de nombreux feux de signalisation ne s’allument désormais plus qu’au rouge à Athènes. Les feux verts ont eux soit été désactivés, soit sont en panne et n’ont pas été réparés, faute de moyens. Pour réduire ses budgets, le ministère des Transports a en fait délégué la gestion des feux aux préfectures, sans pour autant transférer les sommes nécessaires.

- A Austéritéland, on participe à l’Eurovision en priant pour ne pas gagner

La petite phrase a déclenché la polémique à quelques jours de l’Eurovison, le 24 mai dernier. La candidate espagnole a tout simplement annoncé publiquement, sur la radio ABC Punto Radio, que ni elle ni la télévision espagnole ne souhaitaient sa victoire au concours de chant du Vieux continent. Selon elle, le pays ne peut tout simplement pas se payer le luxe d’organiser l’édition suivante qui revient toujours au gagnant de l’édition précédente : « Je crois que ce n’est pas le moment, ni pour l’Espagne ni pour la télévision espagnole (...) et si on gagnait, je crois que ce serait impossible (d’organiser la prochaine édition, ndlr), parce cela coûte énormément d’argent. » On vous laisse juger si la candidate a volontairement était mauvaise avec la vidéo ci-dessous :

- A AustéritéLand, on doit garder ses tickets de caisse dans une boîte à chaussures

L’une des plaies de la Grèce est la fraude fiscale. Libération rappelait ainsi comment le fisc a dû utiliser Google Earth pour compter les piscines privées installées dans les quartiers les plus huppées d’Athènes. Le fisc en a compté 16 974, alors que seules 324 étaient déclarées... La solution imaginée par l’Etat grec et la troïka contre l’évasion fiscale est digne de Kafka. Chaque citoyen grec est désormais tenu de prouver qu’il a dépensé 25% de ses revenus dans le pays. Sinon, il doit payer une amende. Les Grecs conservent donc leurs tickets de caisse précieusement à la maison, avant d’inonder les services fiscaux de ces documents lors de leur déclaration de revenus.

- A AustéritéLand, on propose la retraite à 80 ans

Avant de commencer, un petit rappel historique sur l’assureur américain AIG. Nous sommes en 2008 et la crise des subprimes va commencer. De nombreuses banques ont assuré leurs produits financiers à risque - dont les subprime - chez AIG. Lorsque la crise commence, la valeur de ces produits s’effondre. Les banques se tournent donc vers AIG. Mais l’assureur se révèle incapable de rembourser leurs mises. La banque, qui avait quelques mois avant versé de très juteux bonus et dividendes, était à sec. C’est finalement la Banque centrale américaine, et donc le contribuable, qui a dû renflouer la banque. Figurez-vous que quatre ans plus tard - alors que la crise de la dette, la petite-fille de la crise des subprimes, fait maintenant trembler l’Europe – le président de ce même AIG croit avoir une solution pour sauver la Grèce : repousser l’âge de la retraite à 80 ans. « Cela rendrait les retraites et les services de santé moins coûteux. Cela ferait travailler les gens plus longtemps et enlèverait un fardeau des épaules de la jeunesse », assure Robert Benmosche, 68 ans, interviewé dans sa villa de Dubrovnik (Croatie). Proposer une telle solution à un pays où un jeune sur quatre est au chômage et où la santé de la population se dégrade à vue d’œil c’est au mieux aberrant, au pire complétement indécent.

- A AustéritéLand, les infirmières n’ont plus de seringues

En Grèce, les hôpitaux manquent tant de moyens qu’ils doivent annuler des opérations. Les salles d’accueil sont pleines à craquer, les personnels débordés. On compte un infirmier ou infirmière pour 25 patients. Le personnel soignant est donc contraints d’acheter lui-même ses pansements ou seringues pour continuer à travailler. C’est ce que relate le documentaire d’Aris Chatzistefanou, (réalisateur de Debtocracy), tourné dans l’hôpital de Nikaia, dont le Guardian a diffusé un extrait :

Le budget des hôpitaux a baissé de 40% entre 2007 et 2009. Le nombre de personnes indiquant être en mauvaise ou très mauvaise santé a crû de 14% au cours de ces deux années.

- A AustéritéLand, on solde même le pain

Dans plusieurs boulangeries d’Athènes, le pain est désormais bradé à certaines heures de la journée. Le pain de 350 grammes ne coûte plus que 50 centimes d’euro, contre 80 centimes environ d’habitude, annonçait récemment le quotidien Ta Nea traduit par Presseurop. Le but ? « Concurrencer les supermarchés et surtout garder leur clientèle », alors que la consommation de pain aurait baissé de 20% en un an.