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Facebook va au charbon… dans l’Oregon
vendredi, 1er juin 2012
/ Alice Bomboy / Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique. |
Pour traiter vos données, Facebook a installé son nouveau centre dans l’Oregon. Et boulote plus d’électricité que les habitants et les entreprises réunis. Pis, c’est au charbon que l’entreprise s’alimente…
Les photos du petit dernier, les liens vers ces articles qui vous ont marqué ou franchement fait rigoler, vos commentaires et vos 9 678 « like » cliqués sous les « posts » de vos « friends » ? Tout ça prend de la place dans le ventre de Facebook. Sans compter que vous n’êtes sans doute pas le plus bavard parmi les 900 millions d’utilisateurs actifs de la plateforme... Pour stocker ces montagnes de données, le géant du réseau social multiplie les data centers, en français : les centres de données. Son allié dans cette aventure numérique : la ville américaine de Prineville, dans l’Oregon.
Pendant des années, celle-ci a tiré sa richesse de l’exploitation forestière. Avant de trouver un nouveau débouché pour ses terres désormais largement déboisées : accueillir les centres de données des grands noms de l’internet. Apple a récemment annoncé y lancer la construction d’un projet, et un peu plus à l’ouest de Prineville, Google fait tourner ses serveurs depuis 2006 à The Dalles, tout comme Amazon, à Boardman, depuis 2011. Quant à Facebook, après avoir ouvert un premier centre de données l’an passé à Prineville, il est en train d’y agrandir ses quartiers et construit un deuxième bâtiment pour héberger ses serveurs. Mais question environnement, ça ne plaît pas à tout le monde.
Le centre de données du géant du réseau social est en effet boulimique, côté puissance énergétique. Pour fonctionner, et notamment refroidir ses serveurs, la partie déjà en fonctionnement consomme pas moins de 28 mégawatts. Ça ne vous dit rien ? Pour vous donner une petite idée, c’est à peu près la puissance que consomment ensemble tous les habitants et les entreprises du comté de Crook, la région dans laquelle Facebook s’est installé ! A terme, quand les trois parties du centre seront en fonctionnement, le centre avalera 78 MW, rappelle le Data center knowledge.
Dans le comté de Crook, on ne s’inquiète pas de savoir si cette demande énergétique va siphonner les réserves locales. « Il faudrait sans doute bien plus de centres de données que nous n’en accueillerons jamais ici pour avaler toute la puissance que nous produisons », a expliqué lors d’un forum Jason Carr, le directeur du développement économique du comté de Crook. La région produit en effet 720 MW annuels, une capacité qui devrait grimper à 796 MW en 2013 et à 1 077 MW à la mi-2014. On s’inquiète en revanche de la façon dont cette puissance est produite - et encouragée à être produite par une demande en explosion.
En 2011, Greenpeace dévoilait dans son rapport « How dirty is your data ? » (A quel point vos données sont-elles sales ? que Facebook était en passe de devenir la compagnie de « cloud computing » (« informatique visuelle ») la plus dépendante du charbon. Avec plus de 53% de ses installations comptant sur ce combustible pour fonctionner. A Prineville, la dépendance monte même à 63%. C’est le revers de la médaille : les centres de données s’installent le plus souvent dans des endroits où les avantages fiscaux sont importants, mais où l’énergie, elle, est sale.
Pour faire passer la pilule localement, Facebook a récemment publié un rapport destiné à rappeler tous les bénéfices économiques liés à son installation dans la région. Les dépenses de la compagnie à Prineville ont permis d’injecter au total 142,7 millions de dollars (115,5 millions d’euros) dans les activités économiques locales, dont 51,4 millions de dollars (41,6 millions d’euros) sous forme de revenus individuels, et ont créé 1081 emplois.
Le réseau social met aussi en avant les innovations « vertes » que ses ingénieurs développent pour améliorer l’efficacité énergétique de ses temples du traitement de données, comme la réinjection de l’air chaud produit dans les bureaux en hiver ou l’utilisation de l’air froid extérieur pour refroidir les machines. Bilan : à Prineville, les installations consomment 38% moins d’énergie que les centres de données plus anciens de la compagnie, et ce, malgré des coûts réduits de 24%. Cerise sur la gâteau, la compagnie a aussi, en 2011, décidé de rendre ces améliorations techniques publiques et accessibles à tous afin d’être reproduites, via son projet Open Compute.
D’autres entreprises prennent également ce pli « vert » : Google rafraîchit aussi ses serveurs avec l’air extérieur, et Apple, en Caroline du Nord, installe des panneaux solaires près d’un de centres de données pour l’alimenter en énergie. Le train avance donc sûrement, mais doucement. Car à l’échelle mondiale, l’empreinte de ces sites reste salée : ils concentrent environ 1,5% à 2% de la demande énergétique globale - 3% aux Etats-Unis - et ce taux grossit de 12% par an. « Si Internet était un pays, il se placerait à la cinquième place pour la quantité d’électricité utilisée, juste après le Japon et devant la Russie », rappelle Greenpeace.